par Anonyme » 30 Avr 2005, 18:19
thierry.grosse wrote:
> On pose a = 5^(1/3) et b=5^(2/3)
> Dans un Q espace vectoriel je dois montrer que la famille (1,a,b) est libre.
> Donc soient q,r et s de Q tels que q*1 + r*a + s*b = 0 (1)
> Je dois donc montrer que l'unique solution est q = r = s = 0
>
> Avez-vous des idées?
>
> Merci d'avance
>
> Thierry
Méthode élémentaire.
Remarquons que b=a^2. Par une division euclidienne du polynôme X^3-5 par
le polynôme sX^2+rX+q, on obtient l'expression
X^3-5 = Q(X)*(sX^2+rX+q)+R(X)
où R(X) et Q(X) sont deux polynômes à coefficients rationnels, et du
premier degré. En particulier R(X) s'écrit X-alpha.
En remplaçant X par a dans l'égalité plus haut, on aurait
a-alpha=R(a)=R(a)+Q(a)*(sb+ra+q)=a^3-5=0
Donc a=alpha est rationnel.
Reste plus qu'à montrer que la racine cubique de 5 n'est pas
rationnelle. Ca se fait comme pour la racine carrée de 2 : on aurait
p^3=5q^3, on décompose ces deux nombres en facteurs premiers, et on
constante une contradiction, en comptant le nombre de fois où 5
intervient dans p^3 (un multiple de 3) et dans 5q^3 (1 plus un multiple
de 3).
Méthode moins élémentaire, mais néanmoins identique. Ca vaut le coup de
lire, ne serait-ce que pour se familiariser avec un nouveau langage.
Quitte à ne pas tout comprendre. Ne pas hésiter à poser des questions.
Regarde le polynôme X^3-5. Dans l'anneau Q[X] des polynômes à
coefficients dans Q, c'est un élément irréductible.
On dit que dans un anneau A, un élément x est irréductible lorsque la
seule manière de l'écrire sous la forme y*z est que y (ou z) soit
inversible dans l'anneau. Dans le cas où A est l'anneau des entiers, on
retrouve la notion de nombres premiers.
Pourquoi X^3-5 est irréductible ? S'il était réductible, alors, par des
considérations sur le degré, on pourrait l'écrire comme un polynôme du
premier degré X-alpha fois un polynôme Q du second degré. Ces polynômes
sont dans Q[X], ce qui signifie que alpha est un rationnel. On aurait alors
alpha^3-5=(alpha-alpha)*Q(alpha)=0.
Montrons que cela n'est pas possible car alpha est un rationnel p/q. On
aurait p^3=5*q^3. En décomposant ce nombres en facteurs premiers, on a
une contradiction sur le nombre de fois où le facteur 5 intervient. Pour
p^3, c'est un multiple de 3, et pour q^3, c'est 1 plus un multiple de 3.
Contradiction. C'est la notion de valuation.
Donc X^3-5 est irréductible. Ce faisant on considère l'anneau quotient
Q(X)/(X^3-5). (L'anneau quotient, c'est comme les modulos. Ici, on
travaille modulo le polynôme X^3-5). Cet anneau quotient est un corps :
en effet, si P est un polynôme qui n'est pas divisible par X^3-5, alors,
on peut écrire U(X)*P(X)+V(X)*(X^3-5)=1, ce qui donne "modulo X^3-5",
U*P=1. Donc tout les éléments non-nuls de Q(X)/(X^3-5) sont inversibles.
Maintenant, envoyons l'anneau Q[X] sur l'anneau engendré par les
rationnels et la racine cubique de 5, en envoyant X sur la racine
cubique de 5. (Et on exige que cette manière d'envoyer préserve
l'addition, la multiplication. On appelle cela un homomorphisme
d'anneaux). Cet homomorphisme est surjectif (i.e. tout élément dans
l'espace d'arrivée peut être atteint).
Puisque a^3-5=0, X^3-5 s'envoie sur 0. Et on peut alors travailler
"modulo" X^3-5. Au lieu d'envoyer Q[X] sur ..., on choisit alors
d'envoyer Q[X]/(X^3-5).
En fait c'est un bijection, qui respecte l'addition et la
multiplication. (On parle alors d'isomorphisme d'anneaux, et ici de
corps.) On a vu que c'était surjectif. Et c'est injectif car : si P0 et
P1 s'envoient sur le même objet, P0-P1 s'envoie sur 0. Si P0 est
différent de P1, alors P0-P1 admet un inverse U. Donc (P0-P1)U=1. Or
P0-P1 s'envoie sur 0 et U s'envoie sur 1. Comme un homorphisme d'anneaux
respecte la multiplication, il y aurait un problème. Donc P0=P1. Ce qui
prouve l'injectivité.
Bref Q[X]/(X^3-5) est isomorphe à l'anneau engendré par la racine
cubique de 5. (C'est plus ou moins normal, car X^3=(X^3-5)+5=5 modulo
X^3-5, X joue le rôle de la racine cubique de 5). X, c'est a. X^2 c'est
b. La division euclidienne par X^3-5 donne le pourquoi du comment de
(1,X,X^2) est libre, et donc (1,a,b) libre.
Ca paraît compliqué. Mais ça ne l'est pas. Faut juste se familiariser
avec les notions.