par mathieu_t » 18 Aoû 2006, 15:45
Bonjour à tous.
Je voudrais rebondir sur cette foi en la science que certains semblent partager.
Beaucoup nourrissent la certitude que la plupart des problèmes de société ou d'environnement trouvera un jour une réponse technique, concoctée par des scientifiques dont la connaissance ne fait que s'accroître...
L'épuisement des ressources naturelles ou des énergies fossiles ? Lutilisation accrue dénergies renouvelables et de futures inventions technologiques permettront une moindre consommation dénergie et de ressources. La pollution ? Les technologies de dépollution seront de plus en plus efficaces. Les risques nucléaires ? Ils seront de mieux en mieux gérés par de nouveaux outils de surveillance. Les cancers ? Des nano-robots détecteront et détruiront les tumeurs dès leur apparition.
Pourtant, on peut dores et déjà observer plusieurs phénomènes qui tendraient à contredire cela :
* La croissance industrielle des pays -et notamment celle des pays dits ''en développement''- s'accompagne d'une augmentation de la pollution. Même si certaines industries à la pointe de l'innovation diminuent les pollutions de leurs procédés, elles l'augmentent en valeur absolue, au rythme de la croissance de leur production.
* Chaque technique, en résolvant des problèmes, en soulève toujours de nouveaux. Pour combattre ces ''effets secondaires'', il faut réaliser de nouveaux progrès techniques qui nécessitent de plus en plus de sophistication. Par exemple, les engrais chimiques améliorent la productivité des cultures, mais ils polluent les sols et les ressources en eau. Il faut donc un traitement plus poussé pour rendre leau potable. Ce traitement génère des déchets supplémentaires difficiles à détruire, etc.
* L'application effective des améliorations techniques est bien plus lente que les problèmes générés. Un seul exemple : même si un moteur ''propre'' est inventé, le temps de renouveler le parc automobile prendra vraisemblablement plusieurs dizaines dannées.
* Le rendement médiocre de la dépollution. Non seulement les industries de dépollution ne réussissent jamais à dépolluer autant que la société ne pollue, mais, de plus, elles polluent en dépolluant. Par exemple, une station de traitement des eaux usées produit des boues chargées en métaux lourds ; ces boues sont soit envoyées en décharge, soit épandues sur les terres agricoles, soit incinérées puis stockées en décharge. Tous ces procédés consomment une grande quantité d'énergie et de produits chimiques. Il sagit davantage d'un déplacement de pollution que d'une dépollution.
* L'irréversibilité. Certains ''effets secondaires'' du progrès technique sont irréversibles : l'accident nucléaire de Tchernobyl, les pesticides persistants, la fonte des glaces, etc. Dautres ne sont connus que plusieurs années après. Par exemple, pour lutter contre les dioxines produites par la combustion des déchets ménagers, des normes plus strictes ont été mises en place pour les incinérateurs. Il sagit, en particulier, daugmenter la température de combustion, ce qui limite la quantité de dioxines produites. Mais personne ne sait réellement quelles sont les nouvelles substances générées par ce nouveau mode dincinération. Dans dix ans, peut-être sapercevra-t-on que ce dernier produit des substances encore inconnues - et donc actuellement non détectées - dont limpact sur la santé humaine est équivalent ou pire que les dioxines. Plus le progrès technique croît, plus augmente la somme de ses effets imprévisibles.
* L'effet rebond. L'amélioration des procédés industriels, en terme d'efficacité écologique, entraîne bien souvent une augmentation de la consommation matérielle. Par exemple, les ménages occidentaux profiteront des gains financiers liés aux économies d'énergie pour voyager plus souvent. Paradoxalement, ils pollueront donc davantage.
Pour toutes ces raisons, il est permis de douter de l'efficacité du progrès technique pour remédier à l'épuisement des ressources naturelles, à l'accumulation des déchets et de la pollution. Les solutions sont avant tout politiques. Il s'agit surtout de rompre avec la logique de profit à tout prix.
Je voudrais ajouter qu'en plus, nous n'avons pas réellement fait de "bond en avant" depuis bientôt plus de 50 ans (apparition du nucléaire, si tant est que ça soit vraiment un "progrès"), car le reste de la recherche avance à très petit pas (je suis bien placé pour le dire : je suis dedans).
Je pense qu'il est dangereux de faire un pari aussi risqué sur l'avenir : dans le doute, il faut considérer que la science n'apportera pas la solution à tous nos problèmes... Nous devrions au contraire tenter de supprimer la cause plutôt que d'essayer d'en éliminer la conséquence...