sur un forum consacré à l'économie quelqu'un a posté le message suivant :
Ça se passe dans un village qui vit du tourisme, sauf qu'à cause de la crise il n'y a plus de touristes. Tout le monde emprunte à tout le monde pour survivre.
Plusieurs mois passent, misérables.
Arrive enfin un touriste qui prend une chambre à l'hôtel. Il la paie avec un billet de 100 Euros.
Le touriste n'est pas plutôt monté à sa chambre que l'hôtelier court porter le billet chez le boucher, à qui il doit justement cent euros. Le boucher va aussitôt porter le même billet au paysan qui l'approvisionne en viande. Le paysan, à son tour, se dépêche d'aller payer sa dette à la prostituée à laquelle il doit quelques passes. La fille de joie boucle la boucle en se rendant à l'hôtel pour rembourser l'hôtelier qu'elle ne payait plus quand elle prenait une chambre à l'heure.
Comme elle dépose le billet de 100 Euros sur le comptoir, le touriste, qui venait dire à l'hôtelier qu'il n'aimait pas sa chambre et n'en voulait plus, ramasse son billet et disparaît.
Rien n'a été dépensé, ni gagné, ni perdu.
N'empêche que plus personne dans le village n'a de dettes.
On "sent bien" que le cas est exceptionnel et qu'en pratique on a peu de chance de tomber sur une chaïne aussi parfaite de dettes, mais l'idée est malgré tout intéressante et je me suis demandé s'il était possible de l'analyser sérieusement.
Je l'ai reformulée ainsi, sous la forme d'un problème que pourrait, ou devrait, se poser tout banquier central :
On considère N personnes qui se doivent mutuellement un total de D euros.
On suppose que la dette non nulle minimale entre deux personnes est de 1 euro.
On suppose que tous les schémas de dettes possibles sont équiprobables.
(un schéma de dettes est une fonction de {1..N}x{1..N} dans {0..D})
Quelle réduction de la dette totale puis-je espérer si je prête un euro à une personne ?
Pour l'instant j'ai réussi à calculer le nombre total de schémas de dettes, avec l'intention par la suite de m'inspirer des méthodes de la physique statistique.
Voici déjà ce que j'ai obtenu :
Chaque schéma peut être caractérisé par une matrice M de dimensions NxN, triangulaire supérieure stricte, à coefficients entiers relatifs tels que :
Je propose la formule suivante pour le nombre total de schémas de dettes, ou autrement dit le nombre de matrices différentes qu'il est possible d'écrire :
explications :
est le nombre de façons de choisir un groupe de k éléments qui seront non nuls dans la matrice.
est le nombre de façons de choisir le signe de chacun des éléments.
est le nombre de façons de distribuer D parmi les k éléments, sâchant que la valeur absolue de chacun d'entre eux est au moins égal à 1.
J'ai vérifié la formule avec N=D=3 :
Pour le terme k=1:
Ces six cas correspondent à ceux pour lesquels au moins une personne n'a ni dette, ni créance :
A--->B
AC
AC
(Comme vous l'aurez deviné, on représente ici une dette avec une flèche dont la longueur indique le montant)
Pour le terme k=2:
Ces 24 cas sont ceux pour lesquels tout le monde a au moins une dette ou une créance,
et où une personne et une seule est en affaires avec les deux autres :
A-->B->C, A-->BC, AB-->C, A->BC, AC->B, A-->CB, AC-->B, A->CB, AA->C, B-->AC, BA-->C, B->AC, BB->C->A
AC->A
A->BA
AA
A->B->CCB<-C<-A
A<-B<-C<-A
Ce qu'il faudrait maintenant c'est exprimer le nombre de schémas de dettes qui permettent d'annuler k euros de dettes en en ajoutant 1.
J'espère que ce problème intéressera certains d'entre vous.