A Kiyoshi Itô

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BQss
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A Kiyoshi Itô

par BQss » 17 Aoû 2009, 23:19

A Itô (mort à 93 ans à Kyoto, le 10 Novembre 2008)
« Il liait les mathématiques aux formes de la beauté et avait cité dans un texte la musique de Mozart, la Cathédrale de Cologne et disait que ces œuvres avaient inspiré la création de ses formules » (wikipedia):





« La musique de Mozart, par exemple, impressionne grandement même ceux qui ne connaissent pas la théorie de la musique, la cathédrale de Cologne subjugue aussi les spectateurs qui ne savent rien de la religion chrétienne. La beauté des structures mathématiques, en revanche, ne peut être appréciée sans comprendre un ensemble de formules qui expriment les lois de la logique. » (Kiyoshi Itô)


Un brownien ondule au gré des aléas
Que la tribu Borélienne livre au vent,
Et les gaussiennes s’enchaînent à l’infini

Indépendantes, identiquement distribuées.

Elles définissent un itinéraire incohérent.
A la racine d’un petit temps,
A la merci d’un coup de dé.

Et Markov le range dans les processus de saut
Quand il dévie de sa trajectoire d’un coup !
Roi de l’aléatoire !

Mais aucune chaîne au sort ne l’assujetti
Vraiment ; Il s’affranchit des rites.
Son destin est de déambuler in extenso.

Le brownien est cyclothymique
Newton n’a rien pu pour lui.
Il ne s’occupe que des gens normaux ;

Ceux dont la Variation est finie
Quand le Brownien est à fleur de peau
Et trop sensible pour qu’on le traite
De façon classique.

A d’autres maux d’autres remèdes
Et Itô met son bonheur en équation :
« La formule d’Itô » qui corrige
Ses égarements d’un terme au carré !
C’est la dérivée de la dérivée !

Car il bouge trop vite et trop souvent !
Et le Brownien rentre dans le rang,
Avec ses particularités !



BQss
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par BQss » 17 Aoû 2009, 23:21

Une petite explication de texte pour tous ceux qui n’ont pas perdu leur temps un jour, à faire des mathématiques, et que ça intéresse malgré tout, et pour les autres aussi, qui n'ont pas fait que des probas.

Une petite introduction :
Le mouvement Brownien est un processus stochastique, c'est-à-dire une fonction qui dépend du temps et de l’univers aléatoire, c’est une fonction de deux variables.

Brownien=B(t,w) ( t est le temps, et ici w est un évènement « ou une trajectoire » de l’univers aléatoire).

Dans l’univers réel, la trajectoire passée est connue, mais celle à venir ne l’est pas.
Vous disposez ainsi d’un ensemble de trajectoires à venir possible (une infinité en fait).
Sur chacune de ces trajectoires qu’on appelle ici « w » le Brownien retourne une fonction du temps Bw :t->Bw(t).
Evidemment nous ne savons pas laquelle de ces trajectoires adviendra.

Tout se passe donc comme si vous disposiez d’une famille de fonction (une famille infinie) (Bw), dépendant du temps. Quand la trajectoire w est connue ( sur le passé par exemple) cette fonction Bw est parfaitement établie. Mais pour le futur nous ne pouvons que faire des conjectures et c’est là qu’interviennent les probabilités. Elles viennent « mesurer l’aléatoire » ;
La probabilité que le Brownien soit compris entre tant et tant au bout d’une heure est de x%, etc :
P( 1>dt (la fonction racine , pour des argument proche de 0 se situe au dessus de la fonction identité, et ici dt est très petit…).

Résulte de cela qu’en moyenne, le brownien varie plus amplement que n’importe quelle fonction à variations régulières :
Alors que sur un instant très court une fonction classique bougera de l’ordre de dt :
df=df/dt * dt -> qui est de l’ordre de dt si la dérivée df/dt est finie» «
Un brownien bougera à un ordre supérieur, il bougera en racine de dt ! (sur presque toutes ses trajectoires, on dit "presque surement")

Ceci pose un problème que le Lemme d’Itô se charge de résoudre, comme nous le verrons par la suite.

« Et Markov le range dans les processus de saut » :

Markov est le mathématicien à l’origine de la théorie des chaînes de Markov. Une chaîne de Markov est un processus qui n’a pas de mémoire. La façon dont vous êtes arrivés quelque part n’influence pas la manière dont vous allez en sortir. C’est un processus nihiliste, le futur ne dépend que du présent, il n’a aucune valeur morale le salaud. Quand le temps sur lequel est indexé le processus est discret on appelle ce genre de processus une chaîne de markov, quand il est continue cela s’appelle un processus markovien de saut :
Le mouvement brownien est un processus markovien de saut.
Ceci est dû à l’indépendance de ses accroissements. La valeur de demain peut-être vu comme une somme de la valeur d’aujourd’hui et de l’accroissement à venir. Mais comme vu plus haut, cet accroissement est indépendant de ceux passés et donc du passé, toute l’information nécessaire est alors contenue dans le présent :
brownien (demain)= brownien(présent) + accroissement (d’aujourd’hui à demain) .
Dans cette somme le présent est connu et l’accroissement libre de son état à venir, qu’il ait plu la veille ou l’avant-veille « on s’en fout t’as vu ».
Le brownien est même un PAIS, processus à accroissement indépendant et stationnaire (ses accroissements ont la même loi).
Des phénomènes markoviens bien connus sont les marchés boursiers (ils sont markoviens puisque browniens). Ils n’ont pas de mémoire et toute l’information nécessaire pour prévoir l’avenir est contenue dans leur valeur du jour ; la valeur des actions hier ne sert en rien à estimer leur valeur de demain.
D’autres précisions sur wiki : http://fr.wikipedia.org/wiki/Cha%C3%AEne_de_Markov

« Quand il dévie de sa trajectoire d’un coup ! » :

Les processus de sauts se manifestent par des états stationnaires, puis d’un coup ils sautent. Ce serait par exemple le cas si vous décidiez de compter comme des autistes, le nombre de bus qui passent à un arrêt pendant une heure. Ce nombre augmente de un à chaque passage(d’un coup), après avoir été constant pendant quelques minutes ( la loi du genre la plus connu est la loi de poisson) et cette variation n’est pas continue : ce sont des processus « de saut ».
Le brownien est aussi un processus de saut mais particulier, il varie infiniment souvent, de sorte que sur presque toute ses trajectoires, il apparaisse continue (on dit presque sûrement continue).Il n’est pas discontinue comme peut l’être le processus de poisson par exemple ( les bus passe très fréquemment à l’arrêt avec lui, « c’est pas la RATP le brownien».).

« Mais aucune chaîne au sort ne l’assujetti » :
Les fameuse chaînes de Markov qui sont incapables de le contenir… Le brownien saute tout le temps, jusqu’à donner l’illusion d’un mouvement continue.


« Le brownien est cyclothymique » :
son caractère changeant bien sur, il monte comme il descend avec la même probabilité, et brusquement ! et très souvent !

« Et Newton n’a rien pu pour lui.
Il ne s’occupe que des gens normaux ; »
Newton est à la base (avec Leibniz) du calcul différentiel mais ses résultats ne sont pas adaptés au processus à variation infini tel que le brownien. Le flegme anglais d'Isaac Newton ne sied pas tellement à son excitation.
Si N est un processus du temps « de comportement normal » (qui n’a pas trop la bougeotte) et que vous cherchez à dériver une fonction f qui dépend du temps à travers lui, vous n’aurez pas de problème majeur, tout ceci est linéaire et se retrouve dans la formule suivante :

df(N(t))/dt=df(N(t))/dN * dN/dt
Autrement dit la variation infinitésimale de la fonction f ( qu’on note df) s’explique par le produit de sa sensibilité au processus N et de la variation de N, assez intuitif n’est ce pas ?:
df = df/dN * dN

En fait nous considérons des valeurs suffisamment petite pour que cette approche linéaire soit juste, c’est la base du calcul différentiel (la dérivé est un opérateur linéaire pour ceux qui s’en souviennent).
Tout se passe donc comme si dans l’infiniment petit, les variations était affines (se faisaient sur une droite) :
L’équation d’une droite est : f(x)=y=ax+b -> avec « a » la valeur de la pente.
Dans notre formule la pente vaut la dérivée : df/dN (normal car la dérivée représente la sensibilité de la fonction aux variations)
Et « x » c’est notre dN, c'est-à-dire la variable .
Quant au b on s’en tape, il est aspiré par la variation df.

Vous l’aurez compris « le Brownien est à fleur de peau ;
et trop sensible pour qu’on le traite » ainsi. :
L’approximation faite plus haut n’est plus valable pour lui, il faut aller jusqu’à l’ordre deux ( la dérivée seconde) pour dériver une fonction f qui dépend du temps à travers lui. Avec cette fois B le brownien, la formule différentielle devient :
df = df/dB * dB + ½ d(df/dB)/dB *dt

C’est le lemme d’Itô!!
Vous voyez que ce terme correcteur prend en compte la sensibilité de la sensibilité de la fonction au brownien. En d’autre terme à la différence du calcul différentiel classique, vous devez prendre en compte non seulement la façon dont la fonction change avec la variable, mais aussi la façon même dont évolue cette dépendance (c‘est la dérivée seconde). Car le brownien « est cyclothymique », il change certes, mais tout le monde change ; c’est sa façon de changer qu’il ne faut pas négliger, elle est changeante… Bien plus que ne change celles des autres.


« Ceux dont la Variation est finie » :
La variation d’une fonction sur un intervalle, est la somme infinie de la valeur absolue de ses variations infinitésimales. En gros la somme de toutes ses petites variations sur l’intervalle, mises bout à bout.
Pour les fonctions régulières, cette somme est finie et c’est assez intuitif, mais le brownien lui change tellement de direction, et pour arriver au même point, qu’il en fait diverger la somme !
Quand pour aller de 1 à 2, une fonction plus ou moins monotone (pas trop changeante) aura oscillée quelque peu, de sorte qu’elle aura parcouru peut-être 3 ou 4, le brownien aura lui parcouru des kilomètres de descentes et de montées, le brownien est le dual mathématique de Forest Gump.
Et il se trouve que le calcul différentiel classique n’est pas adapté aux fonctions dont la variation est infinie, tel que le brownien et Forest Gump, comme nous l’avons vu plus haut.

« A d’autres maux d’autres remèdes
Et Itô met son bonheur en équation » :
Le lemme d’itô ajoute donc ce fameux terme correcteur, la dérivée de la dérivée (en fait la moitié). Et le brownien retombe sur ses pieds ;
« rentre dans le rang »:Le lemme d’itô c’est l’équation qui sociabilise le brownien. Les fonctions peuvent dériver en sa compagnie avec elle ; et grâce à lui le brownien peut jouer son romantique, fini la branlette.

« Le lemme d’Itô » qui corrige
Ses égarements d’un terme au carré !
C’est la dérivée de la dérivée ! »
Car il bouge trop vite et trop souvent !
Et le Brownien rentre dans le rang,
Le brownien a son théorème ! Vilain petit canard.

« Avec ses particularités ! » : C’est vrai qu’il était bon pour l’asile avant …




Quelques liens :

Un professeur qui parle de mouvement brownien et de calcul stochastique, de façon légère et sympathique :
http://images.math.cnrs.fr/Le-mouvement-brownien-et-son.html

http://www.proba.jussieu.fr/cours/DEA-07.pdf
Et pour les bourrins le cours de Jean Jacod du DEA de probabilité de Paris 6 sur le mouvement brownien et le calcul stochastique.

Page wikipedia :

Mouvement brownien
http://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_brownien

Kiyoshi Ito
http://fr.wikipedia.org/wiki/Kiyoshi_Ito

Lemme d’Ito
http://fr.wikipedia.org/wiki/Lemme_d%27It%C3%B4

Chaine de markov
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cha%C3%AEne_de_Markov

Markov
http://fr.wikipedia.org/wiki/Andrei_Markov_(math%C3%A9maticien)

Calcul stochastique
http://fr.wikipedia.org/wiki/Calcul_stochastique

Newton
http://fr.wikipedia.org/wiki/Isaac_Newton

Calcul différentiel
http://fr.wikipedia.org/wiki/Calcul_diff%C3%A9rentiel


C'est pas beau les mathématiques ;)?!
Bonne lecture les geeks !!!!

 

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