Bon, je reprend mon monologue.
J'ai dit un petit mot de l'homologie simpliciale et ait precisé qu'elle calcule la meme chose que l'homologie singulière bien que cette dernière soit plus facile à manipuler pour faire des preuves generales. Me reste à décrire un peu ce qu'est l'homologie singulière et surtout à dire ce qu'est la cohomologie, et pourquoi est ce un outil plus fin et plus puissant que l'homologie.
L'homologie singulière.
L'homologie singulière se définit un peu de la meme manière que la simpliciale, mais au lieu de se limiter pour les C_q aux simplexes definis par une triangulation explicite, on ne se limite à... rien. Un simplexe singulier est une application continue du q-simplexe standard dans X. C_q,sing(X) est le (monstrueux) groupe abélien libre bati sur les q-simplexes singuliers de X, on peut définir de la meme facon le bord d'un simplexe singulier que dans le cas simpliciale, et de la meme manière on a un complexe de groupes abéliens i.e
avec
On a d'autre part pour tout choix d'une triangulation de X (quand c'est possible), donc d'un homéo de X avec la realisation d'un complexe simplicial, une inclusion du complexe simplicial
définie par le fait qu'un simplexe de la triangluation est un simplexe singulier, et que l'operateur bord est preservé.
Comme je l'ai dit plus haut cette application est un quasi-isomorphisme, c'est à dire qu'elle induit un isomorphisme sur les groupes d'homologies (le fait de commuter avec le bord implique comme on le voit immediatement que l'application définie plus haut, induit un morphisme sur les groupes d'homologies).
L'avantage de l'homologie singluière c'est que deja elle permet d'introduire un peu de fonctorialité dans le tableau. Si f est une application de X dans Y (continue bien sur) alors un simplexe singulier de X est mappé par f sur un simplexe singulier de Y par composition (ce qui n'est bien sur pas du tout le cas dans le cas simplicial si l'application f n'est pas
simpliciale, terme que je ne vais pas définir mais qui s'intuite assez bien). Il est tout aussi facile de s'apercevoir que l'application entre complexes que l'on obtient (du complexe singulier de X dans celui de Y) commute au bord, et induit donc une application entre les groupes d'homologies. Cette application est fonctorielle i.e l'application définie par une composition d'applications continues et la composée des application entre les complexes et de facto entre l'homologie.
Ce petit fait permet deja de prouver des theoremes de topologie. Comme l'invariance du domaine de Brouwer, ou meme le theoreme du point fixe de Brouwer également.
Au passage, une fois qu'on a démontré des theoremes de finitude adéquat (dans ce que j'ai dit plus haut rien n'indique que les groupes d'homologies singulières soient de rang fini, alors que c'est évident pour les groupes d'homologies simpliciales des que le complexe simplicial est compact), on peut définir des choses comme la carractéristique d'Euler Poincaré d'un espace, qui eclaire certains fait classiques. Par exemple pour un polyèdre de dimension 2, il est assez facile de se convaincre que la formule S-A+F (nombre de sommets-nombre de arretes+nombre de faces) est exactement la somme alternée des rangs des groupes de chaines simpliciales. C'est un petit exercice de prouver que cette somme alternée est exactement la somme alternée des rangs des groupes d'homologie... et donc ne dépend pas de la triangulation!
La cohomologie.
La difference entre la cohomologie (singulière ici) et l'homologie peut se résumer en un seul mot: produit.
Il est possible de définir naturellement sur la cohomologie une structure d'anneau (gradué) alors que ca n'est pas possible en general sur l'homologie (sauf artefact).
Le complexe des cochaines singulières d'un espace X, est le complexe des duaux (dans Z) des groupes de chaines singulières, muni des transposées des applications bords. Bien sur, il va du coup dans l'autre sens.
Une cochaine singulière est une fonction
qui soit linéaire. C'est la donnée d'un nombre entier pour tout simplexe singulier de X (pas plus pas moins).
On peut définir, pour s et t, deux cochaines singulières (de degré q et q'), leur (cup-)produit s.t de degré q+q', qui doit donc donner une nombre pour tout q+q' simplexe singulier de X. Le q+q' simplexe standard, a une première (une fois choisie une numérotation adéquate) q-face et une q' face opposée (dans un tetraedre la 1-face opposée à une 2-face est l'unique sommet qui ne la touche pas etc...), on peut donc associer à s et t, et un q+q'-simplexe singulier le produit de la valeur associée par s sur la première q-face et de la valeur associée par t sur la q'-face opposée.
On obtient donc un produit s.t, dont il est tautologique de verifier qu'il verifie (je note d au lieu de \partial l'operateur cobord) d(s.t)=ds.t+(-1)^q' s.dt, et donc ce produit passe à la cohomologie.
Cette structure de produit sur la cohomologie est un des ingrédient les plus fondamentaux de la géométrie. On peut en donner une interpretation géométrique liée à la notion d'intersection. Il permet par exemple de faire la difference entre une fibration non triviale et un simple produit (la fibration de Hopf a des groupes de cohomologie isomorphes à ceux de la fibration triviale entre la 2 et la 1-sphère, mais pas la meme algèbre de cohomologie).
Il me faudrait beaucoup plus de place pour expliquer pourquoi cette structure est fondamentale. POur donner une idée, je peux simplement mentionner qu'en une certain sens, la classification des surfaces complexes compactes est basée uniquement sur les propriétés de ce produit.
On peut mettre en lumière d'autre structures sur la cohomologie qui permettent de montrer son interet et dans lequel j'ai pas trop le temps de me lancer (lien avec les points fixes, liens avec la notion de courbure, de singularités, dualité de Poincaré, formule de Kunneth, suite exacte de Mayer-Vietoris), dont je parlerais peut etre une autre fois. Mais je voudrais simplement rajouter qu'essentiellement toutes les autres theories cohomologies, tentent d'importer ce cadre de la cohomologie singulière (des variétés topologiques) a des domaines où elle ne s'applique pas directement (pour diverses raisons). C'est le cas des cohomologies sophistiquées introduites bien apres (étale, l-adiques, cyclique, cristalline etc...).