par mathelot » 03 Juil 2009, 05:34
re,
j'habite en France, j'écrirai sur la situation française:
dans les années 70,on était au top. Il y avait Dieudonné,Schwartz (analyse),Grothendieck (géométrie algébrique),Raviart (analyse numérique), Kahane (analyse harmonique) , Malliavin (probabilités et théorie de la mesure) etc.. mais il y avait un défaut grave: élitisme intellectuel exacerbé.
Je prendrai un seul exemple, qui pour moi résume tout:
je me souviens avoir appris que l'espace tangent à une variété
était un espace abstrait, défini par recollement ,dans des cartes,
via des applications différentielles (sic). On étudiait
de prime abord, "fibré vectoriel" et "trivialisation".
En fait l'espace tangent , en un point, peut être vû comme l'ensemble des vecteurs vitesses des courbes de la surface.
Si on lit un livre de Dieudonné ou de Malliavin, on s'aperçoit que la tournure
d'esprit est parfois compliquée chez Dieudonné ou inutilement hérmétique
chez Malliavin.
Il me semble que la pédagogie a été longtemps scholastique, bourbakiste.
les exposés en général manquent d'exemples introductifs, il y a souvent
de l'abstraction inutile et dans le même temps, de nombreux apprenants
manquent d'heuristique, ie, de flair, de sens mathématique. Quelques
exemples: j'ai eu au capes un collègue pour qui la similitude de deux cercles
n'était pas quelque chose de naturel. ça veut dire que l'on peut suivre dix années de cursus mathématique, connaitre une définition abstraite de la similitude (par exemple que le groupe des similitudes est le produit direct des du groupe des homothéties et du groupe orthogonal) et ne pas faire le lien entre similitudes et formes. Autre exemple, j'ai eu dernièrement un prof en fac qui nous a fait la théorie de la mesure abstraite (tribus,boréliens,etc,etc..) mais qui ne savait pas construire la mesure de Lebesgue sur la sphère par un moyen géométrique simple
.
donc effectivement, je crache dans la soupe mais pas dans toutes les soupes :zen: et j'aime bien , par exemple, le style d'exposé anglo-saxon, style serge Lang, assez pragmatique, avec de jolis exemples
et une méthode qui va, du particulier au général. Et non l'inverse , de l'axiome
à la définition, les parties intéressantes étant rejetées en exercices.
Chez nous , en France,l'exposé mathématique a été longtemps axiomatique, formaliste.
ça a un peu changé ces dernières années, avec l'informatique scientifique. Mais on oublie encore que les maths sont une discipline expérimentale.
Alors finalement, on est descendu dans le classement, loin derrière la Chine ou le Japon, à cause de ces habitudes d'élitisme intellectuel,
qui font que, par exemple, pour comprendre ce qu'est un angle, il faut avoir bac+7,parce que l'on t'explique d'abord le groupe orthogonal, le cosinus abstrait (avec la trace d'une matrice si mes souvenirs sont exacts) et différents isomorphismes dans des groupes quotients. C'est dommage. On a éloigné des mathématiques, de nombreuses personnes qui y avaient leur place, et la recherche est restée confinée au lieu d'être une activité de masse. Ce qui est tout à fait significatif de ce fait, c'est le recul de la géométrie dans l'enseignement supérieur.
Autre fait significatif, l'enseignement professionnel français ne remplit pas son cahier des charges et on a vû, sur le forum, des techniciens (plombiers, gens du BTP qui posent des capteurs dans les conduits,etc.) qui manquaient
de savoir en trigonométrie.
Qui satisfait-on vraiment ?
pourquoi a-t-on sacrifié l'enseignement professionnel (en mathématique) ?
donc , je ne pratique plus comme ça et je ne reproduis pas la pédagogie que j'ai connu élève. Je travaille avec de nombreux exemples et j'essaye de
construire le savoir à partir de briques de base proches de l'expérience immédiate.
Des traces de cet élitisme: les facs françaises , me semble-t-il, mettent moins en ligne de publications gratuites sur le Web que les facs canadiennes
francophones et le wikipédia francophone n'a pas l'attention et ne reçoit pas les soins qu'il mériterait. Combien de nos universitaires font l'effort
d'un article sur Wiki ? trop souvent, on tombe sur le message
"paragraphe insuffisamment documenté ou peu fiable".