par beagle » 22 Avr 2020, 13:23
la deuxième non concluante, mais idem meme sélection de patients
Publié le 21/04/2020
Hydroxychloroquine pour Covid sévère, une étude française…non concluante
La nécessité de développer le plus rapidement possible des traitements autres que symptomatiques qui soient capables d’améliorer le pronostic vital des formes sévères fait consensus. Plusieurs pistes thérapeutiques ont été suggérées dès le début de la pandémie et l’essai européen DISCOVERY en cours s’est d’ailleurs fixé comme objectif d’en valider au moins une au travers de ses quatre bras. En attendant ses résultats, il n’est pas interdit de rapporter les résultats d’une étude multicentrique française publiés en ligne le 10 avril 2020.
L’objectif n’est pas d’alimenter ou de raviver une polémique qui n’a pas lieu d’être, mais tout simplement d’informer sur les modalités et les résultats des recherches thérapeutiques en cours.
L’étude en question, comparative mais non randomisée, a impliqué quatre hôpitaux de l’AP-HP.
Étude comparative mais non randomisée
Elle a inclus 181 patients (âge médian 60 ans [écart interquartile, EIQ], 52 à 68 ans ; hommes : 71,1 %), tous atteints d’un Covid-19 biologiquement confirmé et d’une pneumonie en rapport, suffisamment sévère pour entraîner une hypoxémie et nécessiter une oxygénothérapie (≥ 2 l/min) par voie nasale ou par masque. L’hydroxychloroquine (HCQ) a été administrée à la dose de 600 mg/j, le plus souvent dans les 48 heures qui ont suivi l’admission chez 84 patients, les 97 autres constituant le groupe témoin. Une prise en charge similaire, purement symptomatique, était assurée dans les deux groupes pendant les sept jours qui ont suivi l’inclusion. Le critère de jugement principal combinait le nombre de transferts en unité de soins intensifs (USI) et de décès survenus au cours de la durée de l’étude, soit sept jours. En l’absence de tirage au sort, les analyses statistiques ont pris en compte le plus grand nombre possible de facteurs de confusion potentiels et s’est appuyée sur la méthode des scores de propension pour affiner au mieux l’appariement des patients et la comparaison des groupes C’est la pondération inverse sur la probabilité d’être traité qui a été principalement appliquée aux données.
Résultats identiques dans les 2 groupes
L’analyse a d’abord révélé que les deux groupes étaient dans l’ensemble comparables à l’état initial pour ce qui est de la sévérité de l’état clinique, notamment de la désaturation artérielle en oxygène. Une exception mérite d’être signalée : six cas de syndrome confusionnel dans le groupe témoin (6,2 %) versus zéro dans le groupe HCQ.
L’analyse pondérée a conclu à l’absence de différence intergroupe significative quant au critère de jugement principal qui a concerné 20,2 % des patients du groupe HCQ versus 22,1 % dans le groupe témoin (16 versus 21 transferts ou décès- en 7 jours, soit un risque relatif [RR] de 0,91, intervalle de confiance à 95 % IC 95 % 0,47–1,80). Toutes les comorbidités ont été moins fréquentes dans le groupe HCQ. Le délai médian entre le début des symptômes et l’admission en milieu hospitalier a été estimé à 7 jours (EIQ, 5 à 10 jours). Pour ce qui est des traitements associés, dans le groupe HCQ, 17 patients (20 %) ont reçu concomitamment de l’azithromycine, alors que dans le groupe témoin, c’est l’association amoxicilline-acide clavulanique qui a été la plus prescrite (n = 64 ; 76 %).
Dans le groupe HCQ, 2,8 % des patients sont décédés en 7 jours, versus 4,8 % dans le groupe témoin (3 versus 4 évènements, RR 0,61, IC 95 % 0,13-2,89, NS). En ce qui concerne le syndrome de détresse respiratoire aiguë, les chiffres correspondants ont été respectivement de 27,4 % et 24,1 % (24 vs 23 évènements, RR 1,14, IC 95 % 0,65–2,00, NS). Dans le groupe HCQ, le médicament a été interrompu chez huit patients (9,5 %) du fait d’un allongement significatif du QT dans sept cas et d’un bloc auriculoventriculaire dans le dernier cas.
Ces résultats sont à interpréter avec prudence car ils émanent d’une étude comparative non randomisée et la méthode des scores de propension a ses limites. Le recours à l’HCQ dans les formes sévères (avec hypoxie) du Covid-19 ne semble améliorer ni le pronostic vital de la maladie ni freiner son évolution avec les réserves d’usage qui tiennent aussi à un certain manque de puissance statistique. A noter enfin que, dans cette étude, la charge virale n’a pas été évaluée de manière itérative, les critères d’efficacité clinique semblant plus opportuns à ce stade de la maladie. Aucun autre commentaire ne paraît s’imposer dans l’attente des résultats de l’essai européen DISCOVERY.
Dr Philippe Tellier
Référence
Mahevas M et coll. : No evidence of clinical efficacy of hydroxychloroquine in patients hospitalized for COVID-19 infection with oxygen requirement : results of a study using routinely collected data to emulate a target trial. medRxiv 2020 ; publication avancée en ligne le 10 avril. doi: doi.org/10.1101/2020.04.10.20060699.
L'important est de savoir quoi faire lorsqu'il n' y a rien à faire.