Le temps

De la mécanique au nucléaire, nos physiciens sont à l'écoute
Dominique Lefebvre
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par Dominique Lefebvre » 09 Jan 2008, 00:05

farator a écrit:Je tiens tout d'abord à préciser que j'ai un faible niveau en philosophie et surtout en culture philosophique, et que je me base plutôt sur mes opinions personnelles auxquelles j'ai réfléchi.

C'est tout à ton honneur! Cela te permettra d'aborder plus efficacement tes cours de philo et d'épistémologie...


Je pense que cette vérité est personnelle, car la vision et la perception de la réalité sont elle-mêmes particulières et propres à chacun.

Nul ne peut empêcher une personne de se forger ses vérités, sous réserve de ne pas en faire une "vérité objective"!

Je pense néanmoins qu'il existe une vérité scientifique objective qui est fondée par le raisonnement pur, qui lui même ne peut être contesté.

Tout système logique formel peut être contesté et demeure contestable. Un système logique repose sur des axiomes que l'on peut nier pour en adopter d'autres. C'est l'un des principaux enseignements de la logique mathématique.

Le juge qui opte pour telle ou telle vérité serait le sujet lui-même.

Ce qui en fait un système subjectif....

Ce sont des idées très personnelles, et pour moi la vérité objective est l'arithmétique, fondé sur le rationnalisme. Selon moi et Descartes d'ailleurs, l'arithmétique, malgré les axiomes, ne peut être réfuté.

L'arithmétique n'est pas fondée sur le rationalisme mais sur un ensemble d'axiomes. Comme tout système formel, il est possible de le contester. Mais on peut dire que sa construction à partir des axiomes fondateurs est rationnelle, ce qui n'est pas du tout la même chose.

Au sujet de l'expérimentation, j'adhère totallement à la thèse d'Alan Chalmers et à l'exemple qu'il prend sur l'orientation des chauve souris : j'ai parlé de réfuter ou conforter une hypothèse mais surement pas de la vérifier.


Chalmers propose de définir les sciences (pas la Science) comme description du monde (voir son livre "Qu'est-ce que la Science" ou encore "Science and its fabrication")). Je ne suis pas d'accord avec lui, comme de nombreux théoriciens. Son approche de la construction de la physique par l'expérience est top basée sur l'histoire de la physique classique. Il a mal intégré les apports physiques et philosophiques de la physique quantique. En particulier, il prétend que "la science va des faits aux lois par induction et des lois aux prédictions par déduction", ce qui ne correspond à la démarche des théoriciens impliqués dans la démarche d'unification (ce qui représente la presque totalité des théoriciens d'aujourd'hui), comme je l'ai expliqué plus haut.


Elle est pour vous réductionniste mais c'est pourtant la mienne. Je pense que la fondation des vérités scientifiques est très subjective, mais que les vérités fondées grâce au rationnalisme sont indestructibles. Il y a pour moi deux vérités scientifiques : l'une subjective, l'approche expérimentale et l'autre objective, les vérités rationnalistes.

Si je comprends bien tu opposes les "vérités scientifiques" subjectives, issues de l'expérimentation, aux "vérités fondées grâce au rationalisme", issues de quoi? Je ne suis pas trop bien...



entropik
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par entropik » 09 Jan 2008, 01:45

Dominique Lefebvre a écrit:J'ai bien pris la peine de préciser que c'est Einstein qui parlait de hasard à propos de la physique quantique, cette histoire de "dés"! Les quanticiens ne parlent pas de hasard mais d'indétermination, ce qui n'est pas tout à fait la même chose...

Il me semble que si les quanticiens ne parlent pas de hasard, c'est parce qu'il implique une cause inconnue, un principe qui leur échapperait. Tandis que l'indétermination serait liée à l'impossibilité d'obtenir une précision absolue dans les mesures avec les outils que l'on peut créer et au fait qu'il n'est pas possible d'observer un système quantique sans le modifier.

Dominique Lefebvre a écrit:Il s'agit sans doute d'une allusion un peu discutable dans la forme aux ondes gravitationnelles dont la célérité est bien c. Mais il faut bien être conscient que la déformation de l'espace-temps ne se propage: c'est une donnée locale.
Einstein fut le premier à émettre l'hypothèse de leur existence et à avoir calculé leurs caractéristiques (elles découlent des équations du champ d'Einstein). Note bien qu'on a encore jamais détecté directement une onde gravitationnelle.

Là je ne comprend pas bien, si les ondes gravitationnelles existent bien comment peut-on dire que la déformation qu'elles engendrent ne se propage pas? Donc pour vous dans cette expérience de pensée où le soleil disparaît, la terre quitterait immédiatement son orbite? La représentation bidimensionnelle de l'espace-temps comme un sorte de nappe dans laquelle s'enfoncent les astres est-elle une si mauvaise image?

farator
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par farator » 09 Jan 2008, 01:46

Dominique, tu n'es pas d'accord avec le fait que l'expérimentation ne peut pas vérifier les hypothèses, mais seulement les conforter ou les récuser ? Je n'ai pas bien compris.

L'arithmétique n'est pas fondée sur le rationalisme mais sur un ensemble d'axiomes. Comme tout système formel, il est possible de le contester. Mais on peut dire que sa construction à partir des axiomes fondateurs est rationnelle, ce qui n'est pas du tout la même chose.

Oui, je me suis mal exprimé ! A mon sens, l'arithmétique n'est contestable que sur sa base, les axiomes. Si vous avez des arguments qui le contestent autres que sur les prémisses, je veux bien les entendre !

Si je comprends bien tu opposes les "vérités scientifiques" subjectives, issues de l'expérimentation, aux "vérités fondées grâce au rationalisme", issues de quoi? Je ne suis pas trop bien...

Je ne les oppose pas, mais je les différencie. Je pense qu'on peut grouper les vérités scientifiques en deux ensembles:
- les vérités subjectives, qui seraient en effet issues de l'expérimentation (très contestable==> Chalmer), et dont le point de départ est empiriste.
- les vérités objectives : l'arithmétique et la géométrie. Objectives dans le sens où il me paraît impossible (et j'attends donc vos suggestions), de contester leur construction à partir des axiomes fondateurs.

Dominique Lefebvre
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par Dominique Lefebvre » 09 Jan 2008, 11:02

farator a écrit:Dominique, tu n'es pas d'accord avec le fait que l'expérimentation ne peut pas vérifier les hypothèses, mais seulement les conforter ou les récuser ? Je n'ai pas bien compris.

L'expérimentation ne nait pas d'une intuition d'un physicien expérimentateur, qui aurait décidé, comme ça, de construire telle ou telle expérience! Sais-tu la complexité des manips en physique quantique ou en physique des particules? Crois-tu que l'on dépense des milliards d'euros pour construire des accélérateurs sans savoir précisement se que l'on recherche?
Ce que je veux dire par là, c'est que les théoriciens font des théories et proposent aux expérimentateurs des manips pour confirmer ou infirmer ces théories. On en fait plus de la physique (sauf exceptionnellement) en faisant une expérience au hasard, en collectant les données et en essayant de déduire une loi de ces données. La nature des manip ne nous le permettent plus.
Plus formellement, pour moi "vérifier" signifie confirmer ou infirmer. Je n'ai pas opposé ces termes. Ce que je conteste dans la pratique de la physique d'aujourd'hui c'est le schéma simpliste : "je fais une expérience" "j'en déduis une loi". Le schéma est plutôt "j'élabore une théorie" "je propose une expérience" "j'effectue l'expérience" "je vérifie si les données infirment ou confirment la théorie".
Je ne parle ici bien sur que du schéma concernant la physique et les sciences connexes. Ce schéma n'est pas vrai en mathématique, par exemple.


Oui, je me suis mal exprimé ! A mon sens, l'arithmétique n'est contestable que sur sa base, les axiomes. Si vous avez des arguments qui le contestent autres que sur les prémisses, je veux bien les entendre !

L'arithmétique est un système formel. Comme tout système formel, l'arithmétique est incomplète (voir théorème de Gödel), c'est à dire qu'il est possible de produire des propositions indécidables (dont on ne peut pourver qu'elles soient vraies ou fausse dans la logique du système formel en question).


Je ne les oppose pas, mais je les différencie. Je pense qu'on peut grouper les vérités scientifiques en deux ensembles:
- les vérités subjectives, qui seraient en effet issues de l'expérimentation (très contestable==> Chalmer), et dont le point de départ est empiriste.
- les vérités objectives : l'arithmétique et la géométrie. Objectives dans le sens où il me paraît impossible (et j'attends donc vos suggestions), de contester leur construction à partir des axiomes fondateurs.

Décidément, le terme "vérité" me gêne! Ce n'est pas très scientifique, mais bon...
Prenons le cas de la géométrie : l'expérience immédiate et historique tendrait à montrer que le monde est plat à partir de l'expérience locale. Euclide a produit à partir de cette expérience la géométrie euclidienne, basée sur un certain nombre d'axiomes. C'était pour lui une "vérité objective". Puis on c'est apreçu que le monde n'était pas plat et, plus tard, que d'autres géométries étaient possibles, basées sur d'autres axiomes. Encore d'autres "vérités objectives"...
Mais "objectives" par rapport à quoi? A un système axiomatique comme tu le reconnais toi même. Dans la mesure où il existe une infinité de systèmes formels (axiomatiques) possible, il existe donc une infinité de "vérités objectives". Oui mais alors, quelle différence avec une vérité subjective?

Ces notions "objective ", "subjective " ne sont pas recevables en physique. La relativité nous a appris que rien ne peut être considéré comme un référentiel absolu. Que tu les utilise en philosophie, je n'y vois pas d'objection, mais pas en science.

Dominique Lefebvre
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par Dominique Lefebvre » 09 Jan 2008, 11:40

entropik a écrit:Il me semble que si les quanticiens ne parlent pas de hasard, c'est parce qu'il implique une cause inconnue, un principe qui leur échapperait. Tandis que l'indétermination serait liée à l'impossibilité d'obtenir une précision absolue dans les mesures avec les outils que l'on peut créer et au fait qu'il n'est pas possible d'observer un système quantique sans le modifier.

Tu fais sans doute allusion au principe d'indétermination d'Heisenberg. En passant, on en dit plus depuis un moment "principe d'incertitude" sauf dans l'enseignement, ce qui est bien dommage..
Ce principe d'indétermination ne dit pas que nos instruments ne sont pas assez précis ou bien encore que ces instruments perturbent la mesure, comme on le lit trop souvent dans les cours de MQ des facs (sauf dans une certaine mesure celui de Hladik), mais plus simplement que certaines grandeurs physique ne sont pas déterminées simultanément.
Il provient de la description mathématique d'une particule quantique par un train d'onde (en particulier du fait que les opérateurs ne soient pas commutatifs) C'est tout! Le hasard n'a rien à voir à ce sujet. Je te recommande vivement si tu abordes la MQ de la faire avec des bouquins récents qui repositionnent de manière plus clair ces concepts.La seconde édition du cours de M. Le Bellac est particulièrement bien sur ce plan.


Là je ne comprend pas bien, si les ondes gravitationnelles existent bien comment peut-on dire que la déformation qu'elles engendrent ne se propage pas? Donc pour vous dans cette expérience de pensée où le soleil disparaît, la terre quitterait immédiatement son orbite? La représentation bidimensionnelle de l'espace-temps comme un sorte de nappe dans laquelle s'enfoncent les astres est-elle une si mauvaise image?

Les ondes gravitationnelles se propagent, sinon il ne s'agirait pas d'ondes..
Par contre, il faut bien voir que l'espace-temps de la RG est une géométrie qui est locale au sens espace-temps. La déformation géométrique de l'espace-temps provoquée par la masse du Soleil ne se propage pas, elle est locale. Tu mélanges des concepts de mécanique newtonienne (l'orbite de la Terre) avec des concepts de RG (déformation de la géométrie de l'espace temps et circulation sur une géodésique).
Tu n'es d'ailleurs pas le premier: Heisenberg et Pauli (rien que ça!) voyaient les ondes gravitationnelles comme des "rides" qui déformaient l'espace temps. Cette vision pose un énorme problème: les ondes gravitationnelles interagissent avec l'espace-temps, elles le modifient. Les raisons en sont compliquées (je ne suis pas sur d'avoir tout compris) mais elles résultent d'un principe simple, grande leçon de la relativité : le principe d'indépendance par rapport au fond: les lois de la physique doivent pouvoir être exprimées sans présupposer la géométrie de l'espace-temps, parce que ce sont ces lois qui déterminent cette géométrie!
Sans doute oui, l'image de la surface élastique déformée par une bille lourde est-elle trop simpliste, mais elle a le mérite d'exister... Ceci dit, dans cette image,si tu disposes deux billes de masse très différente (la Terre et le Soleil) et que tu fais disparaître la bille lourde, tu t'apercevras que le mouvement relatif de la Terre épousera la déformation de la surface élastique à la vitesse de la disparition de la bille lourde. La vitesse de la lumière n'a rien à voir la dedans, parce qu'il n'y a pas d'échange d'information: c'est l'espace-temps qui se déforme...

farator
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par farator » 09 Jan 2008, 17:31

J'ai retrouvé l'extrait de L'Evolution des Idées en Physique, que je trouve très intéressant !



"Les concepts physiques sont des créations libres de l'esprit humain et ne sont pas, comme on pourrait le croire, uniquement déterminés par le monde extérieur. Dans l'effort que nous faisons pour comprendre le monde, nous ressemblons quelque peu à l'homme qui essaie de comprendre le mécanisme d'une montre fermée. Il voit le cadran et les aiguilles en mouvement, il entend le tic-tac, mais il n'a aucun moyen d'ouvrir le boîtier. S'il est ingénieux, il pourra se former quelque image du mécanisme, qu'il rendra responsable de tout ce qu'il observe, mais il ne sera jamais sûr que son image soit la seule capable d'expliquer ses observations. Il ne sera jamais en état de comparer son image avec le mécanisme réel, et il ne peut même pas se représenter la possibilité d'une telle comparaison. Mais le chercheur croit certainement qu'à mesure que ses connaissances s'accroîtront, son image de la réalité deviendra de plus en plus simple et expliquera des domaines de plus en plus étendus de ses impressions sensibles. Il pourra aussi croire à l'existence d'une limite idéale de la connaissance que l'esprit humain peut atteindre. Il pourra appeler cette limite idéale la vérité objective."




Einstein affirme que les concepts physiques, c'est-à-dire la connaissance scientifique humaine, sont déterminés par la perception du monde et par le raisonnement. Cette idée est polémique, car l'opinion commune tend à penser que les concepts sont crées uniquement par le monde extérieur. Einstein utilise une analogie : il compare le monde à une montre fermée. Comprendre l'environnement qui nous entoure revient à comprendre le mécanisme de cette montre qu'il est impossible d'ouvrir. Aucune hypothèse ne sera jamais vérifiée tant que le boitier sera fermé, car le mécanisme reste caché. Les perceptions ne peuvent pas suffire à connaître et surtout comprendre le monde. D'une manière générale, cet exemple montre que les vérités scientifiques sont cachées derrière ce qu'on peut cacher par nos sens.

Einstein continue ensuite sur cette analogie et affirme qu'un homme peut imaginer le mécanisme caché en utilisant seulement les lumirèes de son esprit. La source d'inspiration est donc empiriste puisqu'elle résulte des perceptions, et l'exlication est rationnaliste. Des objections sur la portée de l'imagination sont ensuites émises : il nous est impossible de confronter les théories avec la réalité elle-même, et donc de les vérifier. L'expérimentation ne permet pas d'atteindre une vérité absolue, puisqu'elle fait intervenir les sens trompeurs. Il y a eu dans l'Histoire grand nombre de conflits, qui pour certains perdurent encore, quelquefois seulement pour des théories allant à l'encontre de nos perceptions, ce qui montre bien "l'ambiguité sensitive". Par exemple : la Terre est-elle plate ou ronde ? Plate si l'on s'en tient à nos sens, ronde si l'on se base sur le raisonnement. Les progrès de la science ont résolu la question en grande partie mais de façon tellement invraisemblable qu'il esxiste de nos jours Un Club Défenseur de la Terre Plate ! L'Homme peut donc s'approcher de la vérité grâce au raisonnement, mais sans certitudes, tant il est difficile de confronter ses théories avec la réalité elle-même.

L'accroissement du nombre de connaissances a pour effet une simplification de l'image que l'on a du monde extérieur. En effet, on sera en mesure d'expliquer nos perceptions, nos observations, et nos sensations par la raison. Conséquence : on comprend le monde sous un certain angle de vision, bien que personne ne soit en mesure de vérifier pleinement les hypothèses émises. Cette connaissance aurait pour effet la limite du savoir de l'esprit humain, et résulterait donc de la simplification de nos perceptions. Einstein la qualifie "d'idéale", car l'Homme doit obtenir un degré de connaissance qui lui permet de comprendre son environnement. Il qualifie enfin ce savoir de "vérité objective". La vérité subjective serait celle basée sur les sens et qui serait donc personnelle. Au contraire, la vérité objective serait la même pour tout le monde puisqu'elle se baserait sur des raisonnements non criticables. Il d'agit de la vérité que l'humain peut connaître, mais pas de l'intégralité des réels savoirs scientifiques.



Voilà ce que je comprends de cet extrait. Malgré ce commentaire écrit objectivement, j'adhère TOTALEMENT au texte !

entropik
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par entropik » 09 Jan 2008, 18:19

farator a écrit:L'accroissement du nombre de connaissances a pour effet une simplification de l'image que l'on a du monde extérieur. En effet, on sera en mesure d'expliquer nos perceptions, nos observations, et nos sensations par la raison. Conséquence : on comprend le monde sous un certain angle de vision, bien que personne ne soit en mesure de vérifier pleinement les hypothèses émises. Cette connaissance aurait pour effet la limite du savoir de l'esprit humain, et résulterait donc de la simplification de nos perceptions.

Cette affirmation me heurte. Selon toi, plus on en sait, plus on voit les choses simplement? J'ai envie de reprendre ton exemple de la terre; a priori elle semble plate en effet mais depuis que l'on a développé nos connaissances, elle est ronde, et même pas tout à fait puisqu'elle est un peu aplatie aux pôles. Or je trouve l'image d'une terre plate bien plus simple que celle d'une sphère aplatie.

Pour moi c'est juste l'inverse; l'accroissement des connaissances complexifie de plus en plus notre vision du monde qui était au départ des plus simpliste, si bien qu'il devient même impossible de se le représenter autrement qu'avec des équations compliquées. En MQ, Dominique a bien dit qu'il ne fallait pas se représenter les objets quantiques comme des petites billes. Et en relativité, la représentation tridimensionnelle de l'espace-temps a ses limites comme on vient de le voir.

Pourtant il est vrai que l'on parle ces temps-ci d'une nouvelle théorie du tout développée par Garrett Lisi qui prétend expliquer tout l'univers à partir d'un modèle géométrique. Lisi a dit dans une interview qu'on pouvait représenter sa théorie de manière très visuelle, ce qui rend son coeur compréhensible par tout le monde mais bon il faut encore qu'elle soit vérifiée... Donc on ne perd pas espoir mais il devient de plus en plus difficile de représenter le monde que décrivent les nouvelles théories physiques.

Enfin si les nouvelles connaissances limitent le savoir de l'esprit humain, elle placent cette limite toujours plus loin que les connaissances précédentes. Rien ne dit qu'il y ait une limite ultime au savoir humain. La citation d'Einstein: "ce qui est incompréhensible c'est que le monde soit compréhensible" laisse entendre qu'il croyait que notre compréhension n'avait pas de limite.

farator
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par farator » 09 Jan 2008, 18:34

Cette affirmation me heurte. Selon toi, plus on en sait, plus on voit les choses simplement? J'ai envie de reprendre ton exemple de la terre; a priori elle semble plate en effet mais depuis que l'on a développé nos connaissances, elle est ronde, et même pas tout à fait puisqu'elle est un peu aplatie aux pôles. Or je trouve l'image d'une terre plate bien plus simple que celle d'une sphère aplatie.


Je veux dire que plus on a de connaissances, et plus on perçoit le monde (sensations, observations et perceptions) simplement. De fait, on comprend mieux ces perceptions, on s'interroge moins dessus et petit à petit, on accède à une connaissance du monde "idéale".
Ce qui est d'ailleurs exactement le contraire de la thèse que tu as développée ^^

Dominique Lefebvre
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par Dominique Lefebvre » 09 Jan 2008, 18:42

farator a écrit:
Einstein affirme que les concepts physiques, c'est-à-dire la connaissance scientifique humaine,

Einstein n'a jamais réduit la connaissance scientifique humaine aux concepts physiques. C'est un détail, mais il ne faut négliger les autres sources de la connaissance scientifique! La physique ne forme pas à elle seule les sciences...

La vérité subjective serait celle basée sur les sens et qui serait donc personnelle. Au contraire, la vérité objective serait la même pour tout le monde puisqu'elle se baserait sur des raisonnements non criticables. Il d'agit de la vérité que l'humain peut connaître, mais pas de l'intégralité des réels savoirs scientifiques.

Encore une fois, je n'adhère pas à l'emploi du mot "vérité" concernant la connaissance scientifique. Encore moins au concept de "vérité objective". Je ne sais pas ce qu'est un raisonnement non criticable, car tout raisonnement s'appuit sur un système logique, qui peut être répudié.

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par farator » 09 Jan 2008, 18:48

Einstein n'a jamais réduit la connaissance scientifique humaine aux concepts physiques. C'est un détail, mais il ne faut négliger les autres sources de la connaissance scientifique! La physique ne forme pas à elle seule les sciences...

Je ne connais pas l'oeuvre d'Einstein, mais juste cet extrait. Peut-être était-ce une thèse développée par Leopold Infeld...

Encore une fois, je n'adhère pas à l'emploi du mot "vérité" concernant la connaissance scientifique. Encore moins au concept de "vérité objective". Je ne sais pas ce qu'est un raisonnement non criticable, car tout raisonnement s'appuit sur un système logique, qui peut être répudié.

Donc pour toi la science ne se définit pas par la représentation de la réalité ?

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par entropik » 09 Jan 2008, 18:52

farator a écrit:Je veux dire que plus on a de connaissances, et plus on perçoit le monde (sensations, observations et perceptions) simplement. De fait, on comprend mieux ces perceptions, on s'interroge moins dessus et petit à petit, on accède à une connaissance du monde "idéale".
Ce qui est d'ailleurs exactement le contraire de la thèse que tu as développée ^^

Oui je crois que je vois ce que tu veux dire, par simple tu entends mieux connu, on ne cherche plus à imaginer toutes les théories qui pourraient rendre compte d'un phénomène vu qu'on en a une. Mais je ne vois pas les choses comme ça; pour moi plus en sait et plus on se rend compte ô combien notre connaissance est infime par rapport à tout ce qu'il y a moyen de savoir. Le cas de la MQ montre bien que même si on en sait plus sur le monde microscopique, nos interrogations sur le sujet sont loin d'avoir diminuées, que du contraire. La connaissance qu'on a développée a ouvert la porte à une foultitude de nouvelles interrogations aussi bien physiques que philosophiques.

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par farator » 09 Jan 2008, 19:03

Posté par entropik:
Oui je crois que je vois ce que tu veux dire, par simple tu entends mieux connu, on ne cherche plus à imaginer toutes les théories qui pourraient rendre compte d'un phénomène vu qu'on en a une. Mais je ne vois pas les choses comme ça; pour moi plus en sait et plus on se rend compte ô combien notre connaissance est infime par rapport à tout ce qu'il y a moyen de savoir. Le cas de la MQ montre bien que même si on en sait plus sur le monde microscopique, nos interrogations sur le sujet sont loin d'avoir diminuées, que du contraire. La connaissance qu'on a développée a ouvert la porte à une foultitude de nouvelles interrogations aussi bien physiques que philosophiques.

Oui, je comprends. Cela relève après du désir. Ici le désir de tout connaître. Ta pensée consiste en quelque sorte à trouver l'absolu, la perfection, à transformer le désir de connaissances en passions. On n'est jamais satisfait de ce que l'on a trouvé, et on a une soif encore plus grande de connaissances ?
Moi je suis plutôt dans la pensée des stoïciens, en restant dans les limites du possible, en éliminant les désirs impossibles, car je pense que tout connaître et tout expliquer relève de l'impossible. De plus, ce désir peut rendre malheureux car on ne sera jamais satisfait des connaissances que l'on possède, et on voudra aller encore plus loin, toujours.

Dominique Lefebvre
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par Dominique Lefebvre » 09 Jan 2008, 19:09

farator a écrit:
Donc pour toi la science ne se définit pas par la représentation de la réalité ?


pourquoi dis-tu ça?
D'abord, je me limite à la physique, je ne suis pas compétent pour parler au nom des sciences.
La science physique consiste à :
  • accumuler des connaissances expérimentales sur notre univers et ses composantes (ce n'est pas mon métier)
  • construire des théories et des modèles qui nous permettent de comprendre (d'essayer) ce qui nous entoure en construisant des images, supports de notre réflexion.
point.
Mais je ne vois vraiment pas en quoi le fait de ne pas adhérer au concept de "vérité objective" me conduirait à dire ou à ne pas dire que la "science se définit par la représentation de la réalité"!!

farator
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par farator » 09 Jan 2008, 19:15

Posté par Dominique:
Encore une fois, je n'adhère pas à l'emploi du mot "vérité" concernant la connaissance scientifique.

Laissons de côté la vérité objective. La définition de la vérité est "la représentation de la réalité", mais tu ne sembles ne pas y adhérer ? Moi c'est ma définition de la science : la représentation de la réalité, donc trouver les vérités sur le monde qui nous entoure, pour le comprendre et le connaître.
Je pense en fait qu'il y a une ambiguité sur ce mot, on n'en comprend peut-être pas la même chose...

Dominique Lefebvre
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par Dominique Lefebvre » 09 Jan 2008, 19:22

farator a écrit:Laissons de côté la vérité objective. La définition de la vérité est "la représentation de la réalité", mais tu ne sembles ne pas y adhérer ? Moi c'est ma définition de la science : la représentation de la réalité, donc trouver les vérités sur le monde qui nous entoure, pour le comprendre et le connaître.
Je pense en fait qu'il y a une ambiguité sur ce mot, on n'en comprend peut-être pas la même chose...


Mais comment peux-tu dire que la "vérité", sous-entendu en physique j'imagine, est la "représentation de la réalité"?
Et donc si je te suis, il y a une "représentation de la réalité" objective, obtenue par le calcul (en simplifiant) et une "représentation de la réalité" subjective, obtenue par l'expérience! C'est bien ça?
Pour moi, la vérité est un concept philosophique et moral, dont je n'ai rien à faire en physique.

Une manip de physique ne m'a jamais donné une représentation de la "réalité" d'un phénomène physique, "réalité" que je ne connais d'ailleurs pas.
Une théorie physique permet de produire une représentation possible, pas la seule, du comportement d'un système. Mais je ne serai jamais si c'est la réalité de ce système, étant incapable de définir la "réalité" du phénomène.

entropik
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par entropik » 09 Jan 2008, 19:27

farator a écrit:Oui, je comprends. Cela relève après du désir. Ici le désir de tout connaître. Ta pensée consiste en quelque sorte à trouver l'absolu, la perfection, à transformer le désir de connaissances en passions. On n'est jamais satisfait de ce que l'on a trouvé, et on a une soif encore plus grande de connaissances ?
Moi je suis plutôt dans la pensée des stoïciens, en restant dans les limites du possible, en éliminant les désirs impossibles, car je pense que tout connaître et tout expliquer relève de l'impossible. De plus, ce désir peut rendre malheureux car on ne sera jamais satisfait des connaissances que l'on possède, et on voudra aller encore plus loin, toujours.

C'est vrai que je suis du genre à n'être jamais satisfait, à toujours vouloir mieux mais je ne crois pas pour autant que l'on puisse tout savoir ou tout expliquer. Je ne suis d'ailleur pas convaincu que l'univers soit compréhensible comme le disait Einstein. Parce-que si vraiment on pouvait tout savoir, et que ce tout était limité, il arriverait bien un jour où on s'ennuierait, où le mystère serait anéantis. Mais au lieu de nous résigner parce que nous savons qu'il y aura toujours quelque chose qui nous échappera, il est préférable de nous motiver en pensant aux révolutions conceptuelles qui nous attendent.

farator
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par farator » 09 Jan 2008, 19:33

Posté par Dominique:
Mais comment peux-tu dire que la "vérité", sous-entendu en physique j'imagine, est la "représentation de la réalité"?
Et donc si je te suis, il y a une "représentation de la réalité" objective, obtenue par le calcul (en simplifiant) et une "représentation de la réalité" subjective, obtenue par l'expérience! C'est bien ça?
Pour moi, la vérité est un concept philosophique et moral, dont je n'ai rien à faire en physique.

Tu as tout à fait compris mon idée, sauf que "la représentation de la réalité" subjective n'est pas obtenue par l'expérience, mais par une démarche expérimentale ==> observation / raisonnement / expérimentation

Une théorie physique permet de produire une représentation possible, pas la seule, du comportement d'un système. Mais je ne serai jamais si c'est la réalité de ce système, étant incapable de définir la "réalité" du phénomène.

Exactement ! C'est pour cela que je qualifierais la représentation de cette réalité de "subjective" si elle fait intervenir les sens.

Je crois que nous avons fait le tour de nos opinions sur le sujet. J'ai compris les vôtres, j'espère que vous avez compris la mienne ! Très intéressant en tout cas ce petit débat :++: Même si je l'avoue je manque de connaissances et de culture philosophiques pour argumenter !

entropik
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par entropik » 11 Jan 2008, 00:05

Dominique Lefebvre a écrit:Ceci dit, dans cette image,si tu disposes deux billes de masse très différente (la Terre et le Soleil) et que tu fais disparaître la bille lourde, tu t'apercevras que le mouvement relatif de la Terre épousera la déformation de la surface élastique à la vitesse de la disparition de la bille lourde. La vitesse de la lumière n'a rien à voir la dedans, parce qu'il n'y a pas d'échange d'information: c'est l'espace-temps qui se déforme...

Bonsoir,
Je me permets tout de même de revenir sur ce point parce que c'est la crédibilité d'Arte qui est remise en question ici. Avant cette expérience de pensée sur la disparition du soleil, ils annonçaient qu'Einstein avait découvert que la vitesse de la lumière est une sorte de vitesse cosmique, vitesse que rien dans l'univers ne peut excéder. Or ils montraient que ce nouveau concept allait à l'encontre de la mécanique newtonienne.
Et lorsque vous dites que "le mouvement relatif de la Terre épousera la déformation de la surface élastique à la vitesse de la disparition de la bille lourde", j'en déduis (même si je suis conscient que c'est impossible) que si l'on parvenait à faire disparaître le soleil en une fraction de seconde, la trajectoire géodésique de la Terre serait modifiée en cette même fraction de seconde. Et dans le reportage ils expliquent bien que cette vision newtonienne de la gravitation agissant instantanément à n'importe quelle distance est réfutée par le modèle d'Einstein.
Dans leur modèle, il faut attendre le temps que met la lumière à parcourir la distance entre 2 masses pour qu'une des masses perçoive les changements dans la déformation de l'espace-temps qu'engendre l'autre masse. Alors se sont-ils trompés dans l'explication du modèle de la RG d'Einstein?

Et si on imaginait ceci à l'échelle de la galaxie, si on faisait disparaître instantanément le trou noir supermassif supposé en son centre, les conséquences de cette affirmation seraient encore pires; il faudrait 24 000 ans avant que la trajectoire de notre système solaire soit ébranlée.

Dominique Lefebvre
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par Dominique Lefebvre » 11 Jan 2008, 00:44

entropik a écrit:Dans leur modèle, il faut attendre le temps que met la lumière à parcourir la distance entre 2 masses pour qu'une des masses perçoive les changements dans la déformation de l'espace-temps qu'engendre l'autre masse. Alors se sont-ils trompés dans l'explication du modèle de la RG d'Einstein?

Il est bien connu que la particule médiatrice de la gravité est le photon :ptdr: :ptdr: :ptdr: car c'est ce que tu viens d'écrire!Je ne sais pas si Arte dit ce genre de chose, mais c'est amusant.

La gravitation dans le RG est une conséquence de la géométrie de l'espace-temps : vois dans un cours de RG la déformation de l'espace riemannien par le tenseur énergie-implusion. Cette déformation est mesurée par le tenseur d'Einstein.

entropik
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par entropik » 11 Jan 2008, 02:28

Dominique Lefebvre a écrit:Il est bien connu que la particule médiatrice de la gravité est le photon :ptdr: :ptdr: :ptdr: car c'est ce que tu viens d'écrire!Je ne sais pas si Arte dit ce genre de chose, mais c'est amusant.

La gravitation dans le RG est une conséquence de la géométrie de l'espace-temps : vois dans un cours de RG la déformation de l'espace riemannien par le tenseur énergie-implusion. Cette déformation est mesurée par le tenseur d'Einstein.

Non ils ne disent pas que c'est le photon, ils ne parlent pas du tout de médiateur. J'aurais dû dire "l'équivalent du temps que met la lumière à parcourir la distance entre 2 masses".
Mais la "chose" qui parcourt physiquement la distance c'est ce qu'ils représentent par une vague (comme celles à la surface de l'eau) se propageant dans le tissu de l'espace-temps.
Mais apparemment ils se trompent, le concept de Newton selon lequel les variations de masses induisent leurs effets instantanément et à n'importe quelle distance reste d'application dans la RG.

 

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