Oodini wrote:
> Tour d'abord, merci pour ce long exposé, et du temps que tu as passé
> pour m'apporter ton aide.De rien, c'est gratuit. Et puis si je veux devenir agrégé, il faut bien
que je m'entraîne à essayer d'être clair (ce que j'ai du mal à être).
> Guillaume Yziquel a écrit :[color=green]
>> Rappels : Une suite (a_n) converge vers lambda si et seulement si[/color]
[...]
[color=green]
>> Une suite de Cauchy est une notion différente: une suite (a_n) est de[/color]
[...]
> Ben je dois être un peu benêt, car je ne vois guère la différence, mis à
> part que dans la première définition est évoquée la valeur du point de
> convergence.On se place dans un espace E, muni d'une distance d
Convergence : Une suite converge si et seulement si
il existe lambda (notre limite) dans E tel que
pour toute (petite) boule centrée en lambda
la suite rentre dans cette boule à partir d'un certain rang et
n'en sort plus jamais.
de Cauchy : La suite est (a_n)
Quelque soit le (petit) diamètre epsilon,
il existe un rang N tel que,
en notant B(a_N,epsilon) la boule centrée en a_N et de
rayon epsilon,
et bien, dès que n dépasse N, la suite se trouve dans
B(a_N,epsilon).
Il est alors clair que si une suite converge, alors elle est de Cauchy.
A priori, il paraitrait raisonnable de penser qu'une suite de Cauchy
converge. La raison de cette intuition est que, en reprenant la
définition d'une suite de Cauchy (a_n), on peut trouver des boules B1,
B2, ...., Bn, ... telles que
1) B1 contient B2 qui contient B3 qui ..... contient Bn qui ....
2) le diamètre des Bi tend vers 0.
3) Pour toute boule Bi, à partir d'un certain rang, toute la
suite (a_n) se trouve dans cette boule Bi.
Alors, on s'attendrait raisonnablement à ce que l'intersection de toutes
ces boules contiennent un point. (Faire un dessin avec des boules
vérifiant 1) et 2) ).
Tu peux vérifier que si il y a bien un point dans l'intersection de ces
boules, alors ce point est la limite de la suite de Cauchy. Elle converge.
> La définition de la convergence que j'ai, après une lecture attentive,
> précise que le lamba doit appartenir à l'ensemble de départ E.
>
> Serait-ce donc *la* différence ?Par contre, si l'intersection de toutes ces petites boules est vide,
alors la suite de Cauchy ne peut pas converger. En effet, vers quoi
convergerait-elle ?
C'est ça la différence essentielle.
Et il se trouve qu'il n'y a pas toujours un tel point. Un tel point dans
ton espace E ! On n'a pas parlé d'autres espaces métriques pour
l'instant. La notion de convergence est donc la convergence dans E.
Ce qui suit est sûrement hors-programme, mais culturellement, c'est
utile, ne serait-ce que pour l'intuition:
Y a des monsieurs qui ont décidé qui si l'intersection de ces boules
etait vide, et ben, c'est pas grave, on rajoute le point qui "manque".
On COMPLETE l'espace. Et un espace est complet, lorsque l'intersection
des boules (cf. dessin) n'est jamais vide. Autrement dit, quand toute
suite de Cauchy converge.
> Tout suite convergente dans E est de Cauchy, mais tout de suite de
> Cauchy "convergeant" (on se comprend...) vers un élément de E est-elle
> convergente ?Avec ce qui viens d'être dit, admet que Q (rationnels) n'est pas
complet, et que R (réels) est le complété. On a alors le raisonnement:
Puisque Q n'est pas un espace complet, il existe une suite de Cauchy qui
ne converge pas. Elle ne converge pas DANS Q. C'est le seul espace dont
on ait parlé jusqu'ici...
Mais puisque R est le completé, notre suite de Cauchy va converger DANS R.
Le plus simple pour trouver une suite de Cauchy qui ne converge pas dans
Q est de considérer la série
1 + 1/2 + 1/6 + ... + 1/n! + ...
Tu peux montrer qu'elle est de Cauchy. Un exercice plus ou moins
classique de taupe t'apprends que cette série a une somme irrationel.
Cet exercice montre en fait, que cette série ne converge pas DANS Q.
Maintenant pourquoi elle converge DANS R ? Bien, parce que R est le
complété de Q. Et ça, c'est une des définitions possibles de R.
(Si tu préfère les fractions continues, le nombre d'or donne aussi un
joli exemple).
[color=green]
>> Et, elle NE CONVERGE PAS !!! Pourquoi ? Si elle convergeait, alors il
>> existerait un RATIONNEL rho tel que a_n tendent vers rho. Or, dans
>> l'espace métrique des réels, a_n converge vers alpha, et aussi vers rho.
>> Donc alpha = rho ! alpha est irrationnel, et rho est rationnel.>
>
> "et aussi vers rho" ???[/color]
Et oui... Elle converge vers le rationnel rho, puisque, pour les besoins
du raisonnement par l'absurde, on a supposé qu'elle convergeait DANS Q.
Elle converge donc vers un certain rationnel rho.
Si elle converge vers rho DANS Q, elle converge bien vers rho dans R.
Dans des termes (légèrement) plus modernes, on dit que l'application
d'inclusion
(Q, ||) -------> (R, ||)
x -------> x
est continue.
[color=green]
>> L'espace métrique des rationnels n'est pas complet. En effet, une suite
>> de Cauchy de nombres rationnels n'a aucune raison de tendre vers un
>> rationnel.[/color]
> Cela confirme donc ce que je disais plus haut.
> La seule différence entre une suite de Cauchy et une suite convergente
> est de savoir si le point vers lequel vont les termes de la suite
> appartient à E.Tout à fait d'accord. Le problème c'est que si tu parle d'un espace
non-complet, ne jamais dire, "elle converge, mais hors de E". Sauf si tu
sais construire le complété de manière rigoureuse.
Il est préferrable de dire alors qu'il n'y a pas convergence.
> Toute suite convergente est donc par définition complète ?Toute suite convergente est de Cauchy. Jamais entendu parler d'une suite
complète. Ce sont les espaces métriques qui peuvent être ou ne pas être
complets.
> Et un espace est de Banach si chacune de ses suites de Cauchy converge
> dans ce même espace ?Oui. Un espace vectoriel E sur le corps des réels (ou des complexes)
muni d'une norme est complet, si et seulement, toute suite de Cauchy
converge. Comme on ne parle que de E, convergence signifie convergence
dans E.
> Merci pour la technique ed démonstration.La technique de démonstration est grosso modo la même pour l'espace des
fonctions continues sur un compact, muni de la norme infinie. Tu exhibe
une limite ponctuelle (souvent appelé limite simple). Ensuite, faut
montrer qu'elle est bien dans l'espace métrique considéré. Faut montrer
que la limite simple est continue. Mais c'est ça le théorème de
convergence uniforme...
Quand tu prends une autre norme sur un espace de dimension finie, c'est
l'équivalence des normes qui permet de conclure sans trop de souci.
Quand tu as une autre norme que la norme infinie et un espace de
dimension infinie, c'est beaucoup plus taquin. En général en prépa, ils
sont rarement complets. On te parlera peut-être de espace préhilbertien.
C'est un espace muni d'un produit scalaire. De ce produit scalaire, tu
peux exhiber une norme (la réciproque n'est pas vraie). On parle
d'espace de Hilbert quand ce préhilbertien est complet.
Quand on complète l'espace des fonctions continues muni de la norme 1,
on obtient la théorie de Lebesque pour l'intégration. cf post-prépa,
i.e. Licence. Souvent bâclé en école d'ingénieur.
[color=green]
>> En espérant que cela ne t'embrouillera pas plus que nécessaire.>
>
> A toi de me dire si ce que j'ai exposé confirme que tu t'est bien fait
> comprendre !

[/color]
T'as l'air d'avoir pigé. Mais médite la petit passage sur la
terminologie. C'est moins compliqué que c'en a l'air.
Cette notion a en général toujours un peu de mal à passer. C'est normal.
C'est ce que les grecs ont eu du mal à piger lorsqu'ils ont découvert
les irrationnels. C'est ce qu'on a eu du mal à piger pour passer de la
théorie d'intégration de Riemann à la théorie d'intégration de Lebesgue.
Une définition, c'est un élixir de pensée, selon J.P. Kahane. Une sorte
de concentré. On a mis longtemps à exhiber toutes ces notions...
Guillaume Yziquel