albert junior wrote:
> Am 25/12/03 13:25, sagte Nicolas Richard (theonewiththeevillook@yahoo.fr) :
>[color=green]
> > Voire même ]-Pi;Pi], non ? Le "problème" par rapport à la question de
> > départ c'est que, par exemple, pour (-8)^(1/3) on n'obtient pas
> > spécialement ce à quoi on s'attendait (on obtient une racine cubique,
> > mais pas la racine réelle).
> > AMHA le mieux c'est encore de ne rien définir pour a négatif, parce que
> > ça implique automatiquement d'utiliser les complexes. Et dès qu'on prend
> > le ln sur les complexes on a un gros problème de continuité près de R->
> mais ce qui me gêne, c'est que depuis disons le collège on utilise des
> fonctions puissances sans jamais se soucier de quoi que ce soit concernant
> ce qu'on met sous la puissance,[/color]
Pour les fonctions puissances d'exposant entier naturel, il est clair
qu'il n'y a jamais de problème, parce que x^n, ça veut quand même
toujours très concrètement dire x*...*x (n fois). Mais là où il y a un
problème, bien sûr, c'est quand on veut élever à une puissance autre
qu'entière, parce que la puissance ne se généralise pas du tout
trivialment, et c'est tout l'enjeu de l'introduction de la fonction
exponentielle.
Rien que pour n entier négatif, il y a une impossibilité, qui n'est
certes pas très ennuyeuse, mais qu'on doit mentionner : on ne peut pas
définir 0^n...
Pour les racines n-ièmes, ensuite, il y a un problème plus sérieux qu'on
ne peut pas éviter, c'est que x^n = y, pour n pair, a deux solutions
réelles si y>0, et aucune si y et d'un coup en TS on introduit les
> exponentiels et on dit : attention a > 0 sinon ... ? et là justement on en
> dit rien !
> alors à partir du mois de décembre de Ts on ne peut plus tracer x^2, ou sans
> savoir ce que l'on fait ... c'est de là que vient mon problème en fait[/color]
Il n'y aurait pas vraiment de problème si l'exponentielle était vraiment
introduite de manière naturelle dans ce contexte, c'est-à-dire comme
outil pour généraliser les fonctions puissances.
Le truc, c'est qu'on a vu que parler de a^r, r rationnel, c'était
raisonnable au moins pour a>0 (la convention selon laquelle on prend la
racine positive quand il y a un problème est relativement naturelle à ce
moment-là : ça consiste simplement à dire que l'on ne travaille qu'avec
des nombres positifs). Et on se pose la question de définir a^x pour x
réel. L'idée, c'est alors simplement qu'un réel est limite d'une suite
(r_n) de rationnels (par exemple, les troncatures successives de son
développement décimal), et on a envie de dire que a^x est la limite de
la suite bien définie des a^{r_n}.
Et effectivement, moyennant le fait de démontrer que la limite existe et
ne dépend pas de la suite (r_n) choisie, on peut bien procéder comme ça,
et on obtient une définition des fonctions puissances qui généralise de
manière raisonnablement naturelle ce qu'on savait déjà. Et là, il n'y a
plus d'état d'âme à avoir pour x^2 : comme on a, depuis le départ,
généralisé des notions, les notions introduites *après* coïncident avec
les notions *d'avant* là où elles sont toutes les deux définies (donc
x^2, c'est toujours x*x, mais si x>0, c'est aussi la limite des x^{r_n}
pour n'importe quelle suite (r_n) de rationnels qui converge vers 2).
À noter que cette construction des fonctions puissances permet de
retrouver complètement ce qu'on sait habituellement du logarithme et de
l'exponentielle. En effet, il n'est pas très difficile de voir que la
fonction a^x (a>0), définie comme ci-dessus, tend vers 1 en 0, et est
dérivable à droite en 0. On peut convenir d'appeler ln(a) le nombre
dérivé (c'est-à-dire la limite de (a^x-1)/x pour x->0+), et alors on
retrouve les propriétés habituelles du log, en particulier le fait qu'il
prend une seule fois la valeur 1, pour un certain réel positif noté e.
Et alors vérifier que x->e^x est égal à sa propre dérivée et est la
fonction réciproque de ln est encore un exercice facile.
> je voudrais pas dire de bêtises, mais un nombre réel positif admet aussi
> trois racines cubiques complexes, dont le problème est le même : alors
> pourquoi ne "dit" on pas que l'on sélectionne la racine réelle _d'argument
> pi_ ?Parce que les nombres complexes ne sont pas franchement le bon cadre
pour s'amuser à généraliser les fonctions puissances, et plus on peut
éviter d'en introduire dans ses raisonnements, mieux on se porte.
Ce qui passe de manière complètement naturelle aux nombres complexes,
c'est l'exponentielle, parce qu'on en a une définition qui se généralise
de manière vraiment confortable, à savoir :
exp(z) = 1 + z + z^2/2! + z^3/3! + ··· + z^n/n! + ···
Ça, ça marche vraiment très bien. On a les bonnes propriétés que
exp(z+z') = exp(z)exp(z'), on peut dériver comme on veut, etc. Et on a
aussi, d'ailleurs :
exp(z) = e^{Re z} (cos(Im z) + i sin(Im z))
Mais le problème, c'est que cette exponentielle complexe, contrairement
à ce qui se passe sur R, n'est plus injective : on a exp(2i*pi) = 1 =
exp(0). Donc il faut bien se résoudre à admettre que l'on va avoir plus
de mal pour parler du logarithme. Ça en devient même assez salement
délicat.
En gros, si Z_0 = exp(z_0), on sait bien définir un truc qui ressemble
au log près de Z_0 : autrement dit, on a, sur un certain voisinage de
Z_0, une fonction f qui se dérive confortablement et tout et qui vérifie
f(Z_0) = z_0, et exp(f(Z)) = Z pour Z proche de Z_0. Mais on ne peut pas
vraiment, dire, du coup, que f(ZZ') = f(Z)+f(Z'), même quand Z, Z' et
ZZ' sont proches de Z_0, parce que justement exp n'est pas injective. Et
on a par ailleurs des obstructions infranchissables qui font qu'une
telle fonction f ne pourra jamais étre étendue en une fonction gentiment
continue à toute l'image de exp (qui est C\{0}). Donc en gros, tout
espoir de généralisation des fonctions puissances se heurtent à ces
obstructions, ou alors doivent se résigner à être « à une certaine
constance multiplicative près » (et cette constante peut être carrément
dégoûtante).
Si l'on choisit, comme Jean Pellegri le suggère, de fabriquer une
fonction Ln(z) qui soit réciproque de l'exponentielle et continue sur
C\R_-, on est conduit à poser :
a^z = exp(z*Ln(a)),
en sachant que ce machin là n'est moralement défini qu'à l'ajout au log
qu'on écrit d'un certain nombre de fois 2i*pi. Donc a^z n'est bien
défini qu'à multiplication près par exp(2i*pi*z). Si z est entier, pas
de problème. S'il est rationnel, de la forme p/q, on retrouve nos
habituelles q racines q-ièmes. Et dans les autres cas, bah, on a une
infinité de déterminations distinctes. Donc par exemple, si l'on veut,
i^i, c'est l'un des réels exp(-(2k+1)pi), k entier. (C'est comme ça
qu'on sait, par exemple, que e^pi est transcendant, mais bon, c'est
toute une histoire).
Enfin tout ça pour dire que ce qu'on trouve en essayant de parler de
puissances dans le domaine complexe n'est pas joli-joli.
--
M. Tibouchi
> Life's but a walking Shadow, a poore Player
> That struts and frets his houre vpon the Stage
> And then is heard no more [...] Macbeth V, 5.