L'infini [erratum : l'infini effectif] n'existe pas (réflexi

Discussion générale entre passionnés et amateurs de mathématiques sur des sujets mathématiques variés
Robic
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par Robic » 18 Mar 2015, 19:06

Leon1789 a écrit:Dans le cas d'une base infinie, chaque élément de l'espace vectoriel possède une infinité de coordonnées (associée à chaque élément de la base infinie), toutes ses coordonnées sont nulles sauf un nombre fini.

OK, du coup il n'y a pas d'infini. La base infinie, c'est comme les nombres entiers : on en choisira seulement un nombre fini de toute façon.

Skullkid a écrit:Ces histoires de potentialité et tout, c'est du blabla qui se prend pour de l'épistémologie.

J'essaie juste de comprendre, mais rien de plus. Parler de potentialité est un mot de vocabulaire qui m'aide à mieux comprendre. Par exemple il existe une infinité de nombres entiers, mais jamais on ne les utilise dans leur totalité, c'est juste qu'on peut en prendre autant qu'on veut. Donc la totalité des entiers ne sert qu'en tant que potentialité. Autrefois je ne faisais pas la distinction.

Autre exemple : les limites. En fait, les limites sont des potentialités (et je trouve utile d'utiliser ce mot) dans le sens qu'on ne les utilise jamais puisque ce sont les suites qui convergent qu'on utilise. On donne un nom en décrétant « on appelle limite ce truc là » mais c'est juste du vocabulaire pratique. Pi existe - c'est une classe d'équivalence de suites de Cauchy rationnelles - mais la limite de ces suites n'existe pas (*) : elles ne sont pas rationnelles, et ce ne sont pas elles qu'on appelle des réels. Ainsi jamais personne ne connaîtra toutes les décimales de Pi, donc elles n'existent pas (en totalité). Par contre il est possible de connaître les N premières, quel que soit N (je parle de possibilité mathématique, en pratique j'imagine qu'il y aura des difficultés).

(*) En fait si, la limite existe, mais uniquement parce qu'on décidé d'appeler limite le réel définie par la classe d'équivalence. On aurait très bien pu refuser d'appeler ça une limite, ça n'aurait rien changé, juste alourdi les écritures.

Cela dit, ça n'empêche pas de pouvoir donner un sens précis à "combinaison linéaire infinie" dans certains contextes (par exemple les espaces vectoriels topologiques ou les séries formelles).

Mais c'est juste une façon de parler (comme lorsqu'on dit qu'il y a une infinité d'entiers - ce qui signifie qu'on peut en choisir autant qu'on veut) ou bien il y a vraiment un usage de l'infini ?

Pour ce qui est de la physique, si, on y trouve des quantités infinies.

Je ne suis pas physicien, mais on m'avait dit le contraire, et que justement, lorsque le modèle mathématique donnait des infinis, c'était un problème.

Ça veut dire quoi "manipuler quelque chose d'infini" ?

Par exemple ça voudrait dire que lorsqu'on écrit , on considère vraiment qu'on additionne une infinité de nombres. Alors qu'en réalité on calcule une limite, ce qui ne fait intervenir que des quantités finies.

Autre exemple : ça voudrait dire qu'on considère qu'il existe réellement une infinité de décimales dans Pi, alors que mon cerveau rejette cette idée : on peut en connaître autant qu'on veut, mais en quantité finie.

mais que se passe-t-il s'il te prend l'envie folle de compter tes points ?

Compter les points n'a de sens que s'il y en a un nombre fini.

mais pourquoi tu ne te poses pas les mêmes questions sur les rationnels ?

Ce matin j'étais dans cet état d'esprit : mince, je ne comprends pas les rationnels. Puis ça m'est passé. Mais je sais qu'il faudra que je les regarde de plus près en effet. Par contre, les entiers naturels, je crois que je les admets comme axiome.

Personnellement j'ai jamais vu de nombre rationnel "dans mon environnement" (ni de nombre entier, d'ailleurs).

Les nombres entiers, on les voit quand on compte des objets. Mais pas les rationnels, c'est vrai. D'ailleurs il y a une différence essentielle entre compter en entiers et compter en réels et même la langue la fait : on achète des pommes, mais du lait. Probablement pour ça que j'accepte sans mal les entiers, mais pas le reste. Je me demande d'ailleurs si les rationnels n'auraient pas un statut intermédiaire (a priori du lait devrait concerner les rationnels, mais on consomme des demis...)

L.A. a écrit:ici vu qu'on n'atteint jamais l'infini, il apparaît donc effectivement comme une simple "potentialité" et pas comme un objet à part entière.

Voilà, c'est ça ! Et dans toutes les maths que j'ai faites, ce sont ces infinis qu'on utilisait, donc j'ai fini par me rendre compte qu'en fait on n'avait pas besoin de l'infini, que c'est juste une façon de parler qui cache la réalité des epsilon.

- Et puis une manière "par le haut", celle que je trouve beaucoup plus intéressante, qui consiste à prendre un peu de recul pour imaginer d'abord quelle tête on peut donner à cette "potentialité" [...]

Ah, c'est nouveau pour moi ! Donc :
- dans les domaines des maths que je connais (en gros les maths basiques qu'on enseigne aux étudiants) j'ai l'impression qu'on parle beaucoup d'infinis (« tendre vers l'infini », les séries, etc.) alors qu'il n'y a pas d'infini ;
- mais il existe certains domaines où on a donné un sens précis à l'infini (attention, pour moi l'infini dénombrable n'est qu'une façon de parler puisqu'on peut prouver qu'il y a une bijection entre les entiers et les rationnels sans utiliser l'infini directement, donc il doit s'agit de choses bien différentes...)

D'ailleurs, en mathématiques, est-ce qu'on "invente" de nouveaux outils ou est-ce qu'on ne fait que "découvrir" ces outils qui sont déjà là quelque part, attendant qu'on les trouve ? (ou plus exactement qu'on trouve la bonne façon pour en parler ?) Celui qui pense par le haut le pense, je pense, mais ça c'est un autre débat...

Ah c'est intéressant ! Donc on inventerait l'infini en tant qu'objet... et donc on ne fait pas que "découvrir" les maths. Je sais qu'on appelle platonicien ceux qui pensent qu'il existe un monde mathématique à découvrir. Tu sembles dire qu'il faut dépasser ce stade pour inventer d'autres choses... Je crois que je suis platonicien à moitié (j'ai tendance à croire que si des extra-terrestres font des maths, il y aura beaucoup de points communs, pourtant on ne s'est jamais parlés), mais pas complètement (pour moi l'infini des entiers n'existe pas dans le sens platonicien), du coup je me rends compte que je suis platonicien tant qu'il n'y a pas d'infinis en jeu... Mais en même temps je n'ai pas envie de les inventer...



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leon1789
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par leon1789 » 18 Mar 2015, 20:33

Robic a écrit:OK, du coup il n'y a pas d'infini. La base infinie, c'est comme les nombres entiers : on en choisira seulement un nombre fini de toute façon.

Oui, mais il n'y a pas un nombre fini de nombre entiers... L'ensemble des nombres entiers est infini.
L'infini est potentiel, il n'est pas dans les éléments eux-mêmes.

Skullkid
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par Skullkid » 18 Mar 2015, 23:39

Tu as une idée préconçue de ce qu'est l'Infini (qui n'est toujours pas claire mais qui en tout cas n'a rien de mathématique), et tu voudrais que les maths se conforment à la lettre à cette idée. Comme ça n'est pas le cas, tu dis que l'infini mathématique n'est pas le bon.

Évidemment c'est pas avec des arguments mathématiques qu'on va te convaincre, vu qu'ils iront forcément à l'encontre de ton idée préconçue. En plus tu rejettes les arguments "utilitaristes" ("c'est pratique/puissant") et pour couronner le tout tu as aussi ta propre vision de ce que c'est qu'utiliser un concept, genre quand tu dis

Robic a écrit:En fait, les limites sont des potentialités (et je trouve utile d'utiliser ce mot) dans le sens qu'on ne les utilise jamais puisque ce sont les suites qui convergent qu'on utilise.


Quand je dis "un machin qui tend vers 1 plus un machin qui tend vers 1 ça fait un machin qui tend vers 2", je ne peux pas prétendre ne pas "utiliser" les limites...

Bref, le seul choix que tu nous laisses c'est de passer dans le registre du ressenti et de la visualisation des concepts. Et ce registre-là ne relève pas des mathématiques. Ça m'étonnerait que tous les mathématiciens aient le même ressenti intime d'un espace de dimension 12, pourtant ils seront tous d'accord sur les propriétés de cet espace et sur comment le manipuler.

Robic a écrit:Mais c'est juste une façon de parler (comme lorsqu'on dit qu'il y a une infinité d'entiers - ce qui signifie qu'on peut en choisir autant qu'on veut) ou bien il y a vraiment un usage de l'infini ?


Le mot "tire-bouchon" n'est qu'une façon de parler de "l'outil qui sert à déboucher les bouteilles". On en conclut que les tire-bouchons n'existent pas ?

Robic a écrit:Je ne suis pas physicien, mais on m'avait dit le contraire, et que justement, lorsque le modèle mathématique donnait des infinis, c'était un problème.


C'est un problème si ton modèle te sort un infini là où tu ne t'y attends pas. Mais il y a plein de modèles qui comportent des infinis tout à fait prévisibles. Par exemple, dès qu'un modèle présente une discontinuité (genre un modèle avec deux matériaux en contact, ou un modèle de réponse à une impulsion) tu sais très bien que si tu essayes de calculer des dérivées à la discontinuité ça va te sortir un infini.

Robic a écrit:Par exemple ça voudrait dire que lorsqu'on écrit , on considère vraiment qu'on additionne une infinité de nombres. Alors qu'en réalité on calcule une limite, ce qui ne fait intervenir que des quantités finies.


Toujours pareil : c'est quoi une quantité finie (ou infinie, d'ailleurs) ? Tu dis qu'en réalité on calcule une limite. Tu es sûr qu'en réalité on ne joue pas avec des epsilons autour d'un nombre qui [...] ? Après tout les limites sont potentielles, on peut s'en passer.

Robic a écrit:on considère qu'il existe réellement une infinité de décimales dans Pi, alors que mon cerveau rejette cette idée


Il faut dire à ton cerveau d'arrêter ses caprices et de manger son infinité de décimales. C'est pour bon pour lui. Ne pas hésiter à recourir à la menace si nécessaire :D

Robic a écrit:Compter les points n'a de sens que s'il y en a un nombre fini.


Comment tu sais s'ils sont en nombre fini ou pas si tu n'essayes pas d'abord de les compter ?

Robic
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par Robic » 19 Mar 2015, 00:16

Skullkid a écrit:Tu as une idée préconçue de ce qu'est l'Infini (qui n'est toujours pas claire mais qui en tout cas n'a rien de mathématique), et tu voudrais que les maths se conforment à la lettre à cette idée. Comme ça n'est pas le cas, tu dis que l'infini mathématique n'est pas le bon.

Non, ce n'est pas ça. Je ne veux pas que les maths se conforment à quoi que ce soit. Mais je constate qu'en maths, en tout cas au niveau que je connais, on utilise le mot "infini" sans utiliser autre chose que des quantités finies. L'exemple typique étant la limite d'une suite.

Évidemment c'est pas avec des arguments mathématiques qu'on va te convaincre, vu qu'ils iront forcément à l'encontre de ton idée préconçue.

Je n'ai aucune idée préconçue. D'ailleurs les réponses me font réfléchir. Simplement je ne vais pas dire « OK je suis d'accord » juste pour faire plaisir. Cela dit je n'ai pas envie de lancer une querelle, juste de discuter d'un sujet qui m'intéresse.

Quand je dis "un machin qui tend vers 1 plus un machin qui tend vers 1 ça fait un machin qui tend vers 2", je ne peux pas prétendre ne pas "utiliser" les limites...

Tu utilises la propriété qui dit que deux limites peuvent s'additionner, mais en fait dans cette propriété on additionne bêtement les termes de la suite (et on constate que les termes de la somme convergent).

Le mot "tire-bouchon" n'est qu'une façon de parler de "l'outil qui sert à déboucher les bouteilles". On en conclut que les tire-bouchons n'existent pas ?

Ce n'est pas pareil car un tire-bouchon est utilisé, il est normal qu'on le nomme. Mais quand on dit qu'une suite converge en l'infini, en fait on ne va pas voir ce qui se passe en l'infini. C'est juste une façon de parler, une abréviation pour dire « il existe toujours un rang (fini !) à partir duquel la suite s'approche autant qu'on veut etc. ». Le mot "infini" a été introduit non pas pour décrire un objet (comme le tire-bouchon) mais pour construire une phrase très pratique où tout se passe au niveau fini.

Toujours pareil : c'est quoi une quantité finie

Toujours pareil (je me cite - voir ma réponse plus haut à L.A.) : « Un ensemble fini est un ensemble qui peut être mis en bijection avec l'ENSemble des entiers compris entre 1 et n pour un certain n. »

Tu dis qu'en réalité on calcule une limite. Tu es sûr qu'en réalité on ne joue pas avec des epsilons autour d'un nombre qui [...] ? Après tout les limites sont potentielles, on peut s'en passer.

Tout à fait ! J'aurais dû être plus clair, j'ai parlé de limite un peu à la légère.

Comment tu sais s'ils sont en nombre fini ou pas si tu n'essayes pas d'abord de les compter ?

Je ne comprends pas ta question. Je peux toujours compter des points sur une droite (par exemple). C'est juste qu'il en restera nécessairement que je n'ai pas comptés.

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Trouvé sur Internet : « finitisme — finitisme nom masculin. Doctrine du mathématicien Hilbert, selon laquelle on doit éviter, dans les raisonnements mathématiques, tout recours à l'infini actuel. » (http://www.larousse.fr/)

Ici "actuel" signifie "effectif", c'est pile poil mon sentiment. Comme quoi ça ne doit pas être totalement idiot...

Je suis en train de lire cet article (sur l'infini, pour essayer de mieux le comprendre puisqu' aujourd'hui je serais bien incapable de le définir) : http://encyclopedie_universelle.fracademic.com/10293/INFINI . Très intéressant ! Le paragraphe "Le passage à la limite" est compatible avec ma compréhension des maths.

Un extrait :

« Cependant, le concept ainsi posé désignait une pure virtualité. Pour parler le langage traditionnel, l’infini que produit l’application est «syncatégorématique»: il en est de lui comme de l’infini enveloppé dans l’exemple leibnizien de la série:

qui n’est jamais donnée comme totalité actuelle de ses éléments, mais comme simple possibilité de répéter indéfiniment l’opération qui définit son terme général. »

Ah, un infini potentiel !

« Dans le cas de Dedekind, l’«infini» est donné par la médiation de la fonction qui détermine la correspondance biunivoque exigée par sa définition. »

Ah ! En quelque sorte on appelle infini la bijection entre les entiers et les ensembles dénombrables ? Ça c'est définissable (et il n'y a pas besoin d'utiliser l'infini pour démontrer par exemple l'existence d'une bijection entre entiers et rationnels, il faut juste prouver que tout entier fini admet exactement une image et tout rationnel fini admet exactement un antécédent).

« Mais elle ne nous permet nullement de considérer comme bien fondée l’expression "totalité infinie des entiers naturels" »

C'est bien ce que je disais ! Même dans les maths modernes. Bon, je vais continuer à lire ça...

-----------
Au fait, juste pour clarifier : j'ai lancé cette discussion pour discuter. Je vous ai expliqué comment je comprends les maths. Je trouvais que ça valait la peine d'être dit parce qu'il me semblait - et c'est confirmé ! - que tout le monde ne comprend pas pareil. Mais ce que je comprends (lorsqu'on parle de l'infini en fait on ne l'utilise pas directement), c'est après des années, donc vous imaginez bien que ça ne va pas être facile de me faire changer d'avis. Pour quoi faire d'ailleurs ? Pour ma part je ne cherche pas à vous faire changer d'avis, juste à discuter d'un sujet qui m'intéresse. D'ailleurs j'ai plus réfléchi en 48h que lors des dix années précédentes.

Ce soir j'ai envie de refaire le cours d'analyse de bac+1 en me limitant aux rationnels et voir ce qu'on peut sauver (j'ai la conviction qu'on peut dériver des fonctions algébriques, par exemple, mais il faudra vérifier). Je n'ai pas le temps, mais je trouve que ça peut être amusant. J'essaierai un de ces jours. Ou pas. (Je me doute que ça a déjà été fait, mais j'ai besoin de le faire moi même.)

Et si j'étais intelligent, j'essaierai définir une théorie de l'intégration avec des rationnels... :lol3: (Parce que bon, personne n'en a parlé, mais le truc qui me fait le plus douter de la non utilisation de l'infini, c'est le prologue de l'intégrale de Lebesgue avec les tribus, les boréliens et tout ça...)

Skullkid
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par Skullkid » 19 Mar 2015, 01:47

Quand je te demande ce que veut dire "quantité finie" tu me réponds avec une définition de "ensemble fini", c'est normal que je ne sois pas satisfait. Tu dis que dans la somme des on ajoute des "quantités finies", donc le "fini" il qualifie les trucs qu'on somme, c'est-à-dire les , qui sont des nombres. Tu insistes sur le fait qu'ils sont finis, mais ce serait quoi un nombre infini, à part "ce que serait le nombre d'éléments d'un ensemble qui a autant d'éléments qu'on veut" ?

Robic
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par Robic » 19 Mar 2015, 01:55

Dans les sommes des , je peux mettre tous les termes en bijection avec les entiers de 1 à n pour un certain n.

Quant à dire ce qu'est une quantité infinie, est-ce bien utile puisqu'on utilise des additions finies... ?

Monsieur23
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par Monsieur23 » 19 Mar 2015, 09:15

Aloha,

Robic, à mon avis, pour comprendre "l'infini", il faudrait que tu étudies un peu de théorie des ensembles, éventuellement suivie d'un cours sur les grands cardinaux (un article de vulgarisation peut suffire, JP Delahaye en a fait pas mal je crois)
« Je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre ! »

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leon1789
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par leon1789 » 19 Mar 2015, 10:43

Poincaré, la logique de l’infini, 1909 :
>

nodjim
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par nodjim » 19 Mar 2015, 11:47

Sans vouloir détourner le débat, j'aimerais une petite explication sur cette phrase:

"Le plus petit ordinal infini est la borne supérieure de tous les ordinaux finis, qui sont les entiers naturels. Il a été introduit par Georg Cantor qui l'a noté ;) (lettre minuscule grecque oméga) ou ;)0"

Faut il comprendre que le plus petit ordinal infini est le dernier entier +1 ?

Robic
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par Robic » 19 Mar 2015, 11:59

« La borne supérieure de tous les ordinaux finis » ne m'évoque pas un plus grand entier +1 mais une borne supérieure au même titre par exemple que celle de la suite 1-1/n : cette suite est illimitée et il n'y a donc pas de plus grand terme + 1, n'empêche qu'il existe une borne supérieure. (Cela dit je ne sais pas si c'est de ça dont parle cette phrase.)

nodjim
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par nodjim » 19 Mar 2015, 13:17

Je cherche juste à savoir quel est pourrait être le cardinal des ordinaux compris entre le dernier fini et cette borne sup.
C'est une phrase très mystérieuse pour moi. Je n'y trouve pas beaucoup de sens pour l'instant.

L.A.
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par L.A. » 19 Mar 2015, 15:54

Robic a écrit: Ah c'est intéressant ! Donc on inventerait l'infini en tant qu'objet... et donc on ne fait pas que "découvrir" les maths. Je sais qu'on appelle platonicien ceux qui pensent qu'il existe un monde mathématique à découvrir. Tu sembles dire qu'il faut dépasser ce stade pour inventer d'autres choses...


Non, c'est justement le contraire que je pense, je me suis donc mal exprimé. Disons que je suis séduit par l'idée qu'en mathématiques nous ne faisons que découvrir petit à petit un monde qui existe déjà quelque part, je serais donc platonicien à ce que tu dis. Ce qui me pousse à penser ça, c'est qu'un raisonnement mathématique (un cheminement qui mène de certains axiomes vers une conclusion) peut être validé de façon absolue par la Logique (au sens où je sais non seulement que mon raisonnement est vrai, mais je sais aussi que peu importe celui ou celle qui se penchera dessus, il ou elle le trouvera également vrai, un peu comme tes martiens). Donc ce raisonnement existe déjà quelque part, indépendamment de celui ou celle qui le trouve, du temps qu'il ou elle aura mis pour le trouver, de la façon dont il ou elle le formule, etc...

Mais comme je ne voudrais pas passer pour un illuminé ou un philosophe à deux balles, j'évite de trop en parler, cependant ça me semble aussi faire partie du sujet "l'infini est-il potentiel ou actuel". Et je ne voudrais pas non plus me fâcher avec un demi-dieu tel que Hilbert. Je pense que ce qu'il a dit va plutôt vers une recherche de simplification des axiomes, ce que je reconnais comme une grande question mais à laquelle je me sens en général étranger (c'est un problème sans fond qui a de quoi donner le vertige...). Ce qui compte, c'est l'édifice qu'on peut bâtir sur ces axiomes, toujours plus haut et plus raffiné, et grâce auquel on peut parler de concepts aussi abstraits que l'infini, les manipuler et les comprendre. Or la simplification des axiomes va souvent de pair avec la complication de ce bel édifice par simple effet de vases communicants...

Les maths, c'est pas compliqué : on choisit des axiomes (ou par défaut on prend ce qui est évident et on laisse à d'autres le soin de s'écharper sur ces questions) et on explore le monde qui s'ouvre devant nous.

Skullkid
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par Skullkid » 19 Mar 2015, 15:55

Robic a écrit:Dans les sommes des , je peux mettre tous les termes en bijection avec les entiers de 1 à n pour un certain n.

Quant à dire ce qu'est une quantité infinie, est-ce bien utile puisqu'on utilise des additions finies... ?


Je recommence, on n'arrive pas à se comprendre. Tu dis que dans la somme des q^n "on ajoute des quantités finies". Là tu es en train de parler des quantités qu'on ajoute, c'est-à-dire de chacun des . On est d'accord ? Donc tu es en train de dire que est fini. Notamment, pour q = 1/2 et n = 2, tu es en train de dire que 1/4 est fini. Je te demande ce que ça veut dire. Si tu as une définition mathématique de "quantité finie" ou "nombre fini", alors tu dois pouvoir prouver que 1/4 est fini. Si tu me dis que je peux mettre 1/4 en bijection avec un ensemble de la forme |[1,n]|, alors je te demande de me montrer cette bijection.

Pour rebondir sur les "règles" citées dans le post de leon1789, si tu veux te plonger dans les maths "des fondements" comme la théorie des ensembles, il faut à tout prix te rappeler en permanence que tu pars de presque rien. Tu as un nombre restreint d'axiomes, et tu as uniquement le droit d'utiliser ces axiomes, et des énoncés que tu as déjà déduit logiquement et proprement de ces axiomes. Tout le reste est à jeter.

Pour nodjim, une façon de voir (je parle ici d'un point de vue intuitif) est que les ordinaux servent à numéroter le rang d'un objet dans une liste. L'exemple classique pour comprendre ce que peut être "l'omega-ième rang" c'est de considérer muni de l'ordre lexicographique. Si on fait la liste croissante des éléments de , l'élément (1,0) sera situé après tous les (0,n) mais avant tous les autres éléments. Et comme (0,n) est à la n-ième place dans la liste, le rang de (1,0) dans la liste est le plus petit rang qui vient après les les rangs entiers, on note ce rang omega. Tous les ordinaux inférieurs à omega sont finis (ce sont des entiers naturels) et il n'y a pas de "plus grand ordinal fini" tout comme il n'y a pas de "plus grand nombre réel strictement inférieur à 1".

nodjim
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par nodjim » 19 Mar 2015, 19:56

"Tous les ordinaux inférieurs à omega sont finis (ce sont des entiers naturels)"
Merci Skullkid. Donc, cette phrase que je cite a bien comme conséquence ce que je disais: il y a forcément 1 entier naturel juste avant l'ordinal fini. C'est paradoxal avec la propriété qui dit que tout entier naturel a un successeur. Comment se gère ce paradoxe ?

Skullkid
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par Skullkid » 19 Mar 2015, 20:08

nodjim a écrit:"Tous les ordinaux inférieurs à omega sont finis (ce sont des entiers naturels)"
Merci Skullkid. Donc, cette phrase que je cite a bien comme conséquence ce que je disais: il y a forcément 1 entier naturel juste avant l'ordinal infini.


Non, tu ne peux pas en tirer cette conséquence, qui est fausse. Je reprends mon analogie avec les réels : il n'y a pas de nombre réel situé "juste avant" 1, mais je peux quand même parler des réels strictement inférieurs à 1, et dire que 1 est leur borne supérieure.

Dans l'exemple de l'ordre lexicographique, il n'y a pas non plus d'élément situé "juste avant" (1,0). Tout est cohérent.

nodjim
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par nodjim » 19 Mar 2015, 20:57

"il n'y a pas de nombre réel situé "juste avant" 1, mais je peux quand même parler des réels strictement inférieurs à 1, et dire que 1 est leur borne supérieure."
OK Skullkid.
A cette différence près tout de même qu'avec les réels, je le comprends. Tandis qu'avec les entiers, c'est plus difficile à admettre. Tout de même, je crois que je vais digérer ça.
Comment se fait il qu'on fasse appel à N² pour justifier ce passage du fini à l'infini, alors que l'ensemble des entiers est linéaire ? Parce le (1,0) est le début d'une autre dimension ou quelque chose comme ça ? et le (2,0) a également un sens pour notre ensemble d'ordinaux ?
Car après le w0, je suppose qu'il existe d'autres entiers, tous bien entendu englobés dans les ordinaux infinis ?

Merci de ta patience.

Skullkid
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par Skullkid » 19 Mar 2015, 21:50

nodjim a écrit:A cette différence près tout de même qu'avec les réels, je le comprends. Tandis qu'avec les entiers, c'est plus difficile à admettre. Tout de même, je crois que je vais digérer ça.


On parle ici d'ordinaux, c'est un concept différent de celui d'entier. Il se trouve que les ordinaux finis sont les entiers (plus précisément, ils sont identifiables aux entiers), mais les ordinaux infinis ce ne sont pas des entiers. L'ordinal n'est pas un entier. Il est supérieur à tous les ordinaux finis, à tous les entiers.

nodjim a écrit:Comment se fait il qu'on fasse appel à N² pour justifier ce passage du fini à l'infini, alors que l'ensemble des entiers est linéaire ? Parce le (1,0) est le début d'une autre dimension ou quelque chose comme ça ? et le (2,0) a également un sens pour notre ensemble d'ordinaux ?
Car après le w0, je suppose qu'il existe d'autres entiers, tous bien entendu englobés dans les ordinaux infinis ?


c'est juste un exemple pour visualiser et comprendre intuitivement comment on peut donner un sens à une position "située après tous les entiers" dans une liste. Si tu veux faire des maths il faut proprement définir les ordinaux, ce que je n'ai pas fait.

Quand tu dis que l'ensemble des entiers est "linéaire", tu te réfères à ta propre vision de cet ensemble. Sans doute as-tu l'habitude de le représenter par une ligne, mais rien ne t'interdit de le représenter par 2 lignes (une pour les pairs, une pour les impairs) ou en triangle ou que sais-je ? De même on peut imaginer des représentations de qui soient autre chose qu'un "carré". Il faut vraiment insister sur la différence entre un objet mathématique abstrait et les représentations mentales qu'on peut s'en faire. L'objet mathématique est ce qu'il est, il est le même et il obéit aux même règles pour tout le monde. La représentation qu'on s'en fait, ça ne regarde que nous et on est libre d'en changer à loisir.

Après , il y a d'autres ordinaux infinis (pas d'autres entiers, puisque tous les entiers sont avant ). Dans le cadre de l'exemple de , la place de l'élément (2,0) correspondrait à l'ordinal qu'on note , qui est égal à pourvu qu'on définisse une addition sur les ordinaux (ce que je n'ai pas fait non plus, évidemment).

Robic
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par Robic » 20 Mar 2015, 04:56

L.A. a écrit:Mais comme je ne voudrais pas passer pour un illuminé ou un philosophe à deux balles, j'évite de trop en parler, cependant ça me semble aussi faire partie du sujet "l'infini est-il potentiel ou actuel".

Ce serait dommage de passer pour un illuminé parce qu'on réfléchit un peu...

Les maths, c'est pas compliqué : on choisit des axiomes (ou par défaut on prend ce qui est évident et on laisse à d'autres le soin de s'écharper sur ces questions) et on explore le monde qui s'ouvre devant nous.

Ça, ça ressemble au formalisme, qui consiste à estimer que les maths sont juste une sorte de jeu logique où on explore les conséquences des axiomes, indépendamment de toute réalité. Je n'aime pas trop cette vision. Je crois que je suis platonicien, mais j'admets que le formalisme sert à bâtir les fondations.

Skullkid a écrit:Notamment, pour q = 1/2 et n = 2, tu es en train de dire que 1/4 est fini. Je te demande ce que ça veut dire. Si tu as une définition mathématique de "quantité finie" ou "nombre fini", alors tu dois pouvoir prouver que 1/4 est fini.

Je n'avais pas compris : je croyais que tu parlais de la quantité de termes (c'est de ça dont je parlais), pas des termes eux-mêmes.

Pour définir ce qu'est un nombre fini, je dirais d'abord que tout nombre entier est fini (par définition). C'est pour ça qu'un ensemble est dit fini s'il peut être mis en bijection avec l'ensemble des entiers de 1 à n pour un certain n. Ensuite, il suffit de dire qu'un nombre rationnel ou un réel est fini s'il existe un entier supérieur. Donc tout nombre rationnel est fini (un nombre entier supérieur est le numérateur) et tout réel est fini par conséquence de la propriété d'Archimède (qui se démontre à partir de la construction à base de suites de Cauchy, j'ai vérifié).

(Tout ça pour les positifs, bien sûr on procède de façon similaire pour les négatifs.)

nodjim
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par nodjim » 20 Mar 2015, 09:15

Merci Skullkid. Je prenais en effet à tort un ordinal infini pour un entier.

Skullkid
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par Skullkid » 20 Mar 2015, 19:29

Robic a écrit:Je n'avais pas compris : je croyais que tu parlais de la quantité de termes (c'est de ça dont je parlais), pas des termes eux-mêmes.

Pour définir ce qu'est un nombre fini, je dirais d'abord que tout nombre entier est fini (par définition). C'est pour ça qu'un ensemble est dit fini s'il peut être mis en bijection avec l'ensemble des entiers de 1 à n pour un certain n. Ensuite, il suffit de dire qu'un nombre rationnel ou un réel est fini s'il existe un entier supérieur. Donc tout nombre rationnel est fini (un nombre entier supérieur est le numérateur) et tout réel est fini par conséquence de la propriété d'Archimède (qui se démontre à partir de la construction à base de suites de Cauchy, j'ai vérifié).


Ok, donc tel quel ton concept de "nombre fini" est juste équivalent à celui de "nombre" (je me limite aux réels), donc pas très performant, mais soit, la définition se tient mathématiquement paralant. Passons donc à cette histoire de somme d'un nombre fini de termes.

Ton objection c'est que quand un matheux dit quelque chose à propos de "la somme de l'infinité de termes ", il pourrait tout aussi bien dire "le comportement de la somme d'un nombre donné de termes quand on augmente le nombre de termes dans la somme". C'est vrai, on en revient à la citation de leon1789 : tout énoncé sur l'infini est la traduction d'un énoncé sur le fini. Plus généralement, "tout énoncé impliquant un concept avancé est la traduction d'un énoncé impliquant des concepts moins avancés". Cette idée est à la base de toute construction mathématique : on part des concepts les plus simples possibles (qui sont axiomatisés) et on construit des trucs plus compliqués à partir de là.

La question est toujours la même : pourquoi donc, dans la vertigineuse escalade conceptuelle que constitue la construction des mathématiques, es-tu réfractaire uniquement à l'étape où on prononce pour la première fois le mot "infini" ? Sachant que ce mot est introduit en suivant rigoureusement les mêmes règles logiques que celles qui ont permis d'introduire des mots tels que "nombre relatif" et "nombre rationnel". Pourquoi devrait-on se faire un devoir de systématiquement remplacer "infini" par quelque chose comme "comportement de [...] quand [...] augmente", sans se donner la peine de remplacer "réel" par "classe d'équivalence de suites de Cauchy rationnelles" ?

Ma réponse est aussi toujours la même : les seuls critères sur lesquels on peut juger de ce genre de positions ne sont pas d'ordre purement mathématique. Qu'on s'autorise des concepts tels que "ensemble infini", "fonction" et "limite", ou qu'on se restreigne uniquement au vocabulaire inclus dans les axiomes de base, les maths seront exactement les mêmes. Les critères qui vont entrer en jeu sont "périmathématiques" : Telle formulation est-elle pratique à utiliser ? Tel nouveau concept est-il puissant ? Telle façon de raisonner permet-elle de faire la différence entre ce qui est important dans mon raisonnement et ce qui l'est moins ?

Et la réponse à ces questions périmathématiques concernant ce qui touche à l'infini en maths est oui : oui, c'est plus pratique de parler d'ensemble infini que d'ensemble "que j'arriverai jamais à vider si je retire des éléments un par un" ; oui, quand je fais des opérations sur des limites, l'approche qui consiste à parler directement de "limite égale à 1" est préférable à celle qui consiste à "instancier" une suite particulière dont les termes se rapprochent autant qu'on veut de 1 pour ensuite se rendre compte qu'on n'en a rien à faire de la façon dont cette approche se fait. Il suffit de regarder l'évolution des maths et des concepts à travers le temps pour s'en convaincre s'il en est besoin.

Le problème se réduit donc uniquement au fait que tu n'aimes pas l'infini, soit (comme je le pense) parce qu'il se heurte à l'idée préexistante que tu t'en fais, soit parce que tu as du mal à saisir les maths qui sont derrière (ce qui ne semble pas être le cas vu que tu es visiblement capable de comprendre des constructions relativement chiadées).

À partir de là, on fait du débat d'opinions (enfin si tant est que débat il puisse y avoir, vu que tout le monde campera sur ses positions). Ça peut être très intéressant, surtout si on s'attaque à des questions telles que la façon dont il faudrait enseigner ces concepts qui visiblement sont une barrière quasi-infranchissable pour beaucoup d'étudiants. Mais ça n'est pas des maths, et il ne faut surtout pas faire comme si ça en était en invoquant des démonstrations-juges ou que sais-je.

 

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