par adrien69 » 13 Mar 2013, 20:29
Rajoutons-y les rimes internes, la musicalité du poème (on peut sans soucis repérer des constructions de phrases, qui sans être de vrais vers, n'en sont pas moins de purs alexandrins bien formés).
En plus comment ne pas s'extasier devant la simplicité exaltée de la valise, qui mise sous la plume de Ponge se transforme en un brave palefroi. Un peu comme si c'était la valise qui portait l'homme et non plus l'homme qui l'emmenait. La réalité a glissé d'un point de vue classique, chiant pour ne pas le dire, vers un paradigme bien plus désuet, fragile, bref, beau et poétique.
N'oublions pas cette métaphore de la valise-livre, nos trajets sont les pages écrites de notre vie (répétition du pronom personnel "mon", si tu n'as pas vu) et chaque pas que l'on fait est un caractère de plus qui vient en noircir le papier frémissant.
Et puis les jeux de mots ! Partout des équivoques !
Quand il dit "sa valise en somme", comment ne pas lire "bête de somme", et comment ne pas imaginer la fière valise portant le poids de l'homme, de son présent et de son passé (c'est bien lourd tout ça !)
Et il ne "l'ambaume" pas, comme tu as pu le dire, mais il "l'empaume", et c'est bien plus joli ! Il la flatte, comme on flatte le puissant, comme on flatte le cheval pour s'en servir pour monter.
On en finirait presque par croire que son poème n'est pas celui d'une valise et du voyageur, mais le poème du langage, et de sa formidable malléabilité. Et ça, c'est le "proverbial" qui a fini de m'en convaincre. J'y vois le pro-verbe, ce qui en faveur du Verbe, du mot. Et l'hôtel dans lequel nous nous reposons n'est rien de plus que cela. La béatitude et la contemplation face au langage roi.