par Skullkid » 05 Nov 2013, 19:40
Ta distinction entre ce que tu appelles "vraies" et "fausses" formes indéterminées est liée entre autres à une incompréhension des notations qu'on utilise pour les formes indéterminées (et au fait que, comme la plupart des gens, tu omets les guillemets et n'introduis du coup aucune différence d'écriture entre une forme indéterminée, qui n'est pas un objet mathématique à proprement parler mais une "notion" dépourvue de définition mathématique, et une opération, qui est un objet mathématique bien défini). Je vais commencer par définir le plus précisément possible ce dont on parle. Tu vas sans doute me trouver pointilleux mais regarde bien comment j'utilise les guillemets dans les deux paragraphes qui viennent.
Quand on écrit 0^0, on se réfère au résultat d'une opération qui consiste à élever le nombre 0 à la puissance le nombre 0. Cet objet mathématique est indéfini si on se limite à la définition classique de la puissance, tout simplement parce qu'il n'est pas couvert par cette définition. Soit on choisit de le laisser indéfini (c'est-à-dire qu'on considère que l'écriture 0^0 n'a pas de sens) soit on le définit par convention, auquel cas on choisit le plus souvent de définir 0^0 comme étant égal à 1.
Quand on écrit "0^0", on se réfère à la limite d'une fonction de la forme f^g en un point en lequel f et g tendent toutes deux vers 0. On a alors affaire à une indétermination parce qu'on a besoin d'informations supplémentaires sur f et g pour conclure, contrairement à d'autres cas où il n'y a pas besoin de telles informations (la somme d'une fonction f qui tend vers 3 en 0 et d'une fonction g qui tend vers 5 en 0 est une fonction qui tend vers 8 en 0, indépendamment de toute info supplémentaire sur f et g).
La nuance est subtile, mais elle est bien réelle. On peut faire une analogie en considérant les maths comme un langage. Un objet indéfini ce serait une expression qui n'existe pas, genre "schmilblick à pois vleus". Écrire "j'utilise la convention 0^0 = 1" c'est comme écrire "dans toute la suite, je definis un schmilblick à pois vleus comme étant un chandail qui coûte plus de 20 au Carrefour de Rambouillet". En revanche, une forme indéterminée ce serait l'équivalent d'une expression ambigüe, dont le sens exact dépend du contexte. Quand tu dis "il est grand" ça ne va pas signifier la même chose selon que tu parles de la taille d'un gamin de 5 ans ou d'un mec de 20 ans.
Maintenant, parlons de tes 1 purs et de tes formes indéterminées qui n'en sont pas vraiment. Le contexte des formes indéterminées c'est un théorème que tu connais bien et qui s'appelle le théorème d'opérations sur les limites. Le théorème dit en gros que dans certaines situations, la limite d'une fonction résultant d'une opération entre fonctions est entièrment déterminée par les limites des fonctions opérandes. Les formes indéterminées sont les situations où le théorème ne s'applique pas.
Ainsi, quand on écrit "1^infini" on se réfère à limite de f^g quand f tend vers 1 et g tend vers l'infini, sans autre information sur f et g. Quand tu parles de 1 pur tu considères que f a d'autres propriétés que celle de tendre vers 1, donc tu n'es plus dans une situation "1^infini". Au passage, tu peux avoir des "1^infini" qui donnent autre chose que 0, 1 ou l'infini, la plus célèbre étant sans doute (1 + 1/x)^x qui tend vers e quand x tend vers +l'infini.
On peut aussi insister sur le fait qu'on parle bien de forme indéterminée, le mot "forme" est à entendre au sens "d'expression" ou "d'écriture". Un objet mathématique peut s'écrire de plusieurs façons différentes (20 peut aussi s'écrire 5*4 ou 10+10), certaines formes étant plus pratiques que d'autres selon le contexte (je préfère écrire 10 que 1+1+1+1+1+1+1+1+1+1). Les formes indéterminées ce sont les formes qui ne sont pas pratiques quand on fait des calculs de limite. On "lève" les indéterminations en choisissant une forme plus pratique. La distinction que tu proposes entre "vraies" et "fausses" formes indéterminées est une distinction arbitraire basée sur la facilité de lever les indéterminations. Tes fausses formes sont les indéterminations que tu considères comme très simples à lever, celles que tu lèves "par réflexe", comme "calculer la limite de x/x quand x tend vers 0". Ce qui est une fausse forme pour toi ne le sera pas forcément pour quelqu'un d'autre. En donnant des cours particuliers j'ai vu des élèves bloquer sur le cas a = 0 dans l'exercice "discutez la valeur de la limite de a*n quand n tend vers l'infini selon les valeurs de a". D'un autre côté, n'importe quel étudiant en master de mathématiques considère le calcul de la limite de (x^2 - x)/(x + 1) quand x tend vers l'infini comme une évidence (enfin j'espère).
En espérant n'avoir pas été trop confus dans mes explications !
PS : j'aime bien utiliser des formulations du genre "c'est comme ça et puis c'est tout", mais comme l'expression "forme indéterminée" n'a pas de définition purement mathématique (un peu comme l'adjectif "canonique"), il s'agit ici de mon point de vue personnel (documenté, mais personnel quand même).